Photographies : © Jérôme Hubert
Apéro politique organisé avec le CNCD 11 11 11 au Centre liégeois du Beau-Mur le mercredi 22 mai 2024 – synthèse pour la table Justice fiscale
Belle organisation CNCD / Beau-Mur. Projection discrète. Tour-billon rythmé par une petite musique guillerette. Sandwichs et boissons. Seul bémol : l’acoustique – il était parfois difficile de s’entendre.
De 18h30 à 19h30 (arrivée des six candidats retardés par les embouteillages), nous avons une belle discussion entre nous sur la pertinence des questions, leur formulation, l’origine tragiquement loufoque du ratio de 3% par rapport au PIB, la position du MR (ne pas toucher aux tranches supérieures, remettre les chômeurs/chômeuses au travail (comment ? dans quelle condition ? quelles recettes supplémentaires ?).
Voici les deux questions posées à chaque candidat·e :
Photographies : © Jérôme Hubert
(1) Suite au vote intervenu au Parlement européen le 23 avril dernier, les 27 pays de l’Union européenne sont à nouveau tenus de respecter les règles budgétaires (déficit limité à 3% du PIB et dette publique ne dépassant pas 60% du PIB). Comment votre parti envisage-t-il de rencontrer ses objectifs ? Allez-vous proposer de nouvelles mesures d’austérité, notamment dans le secteur de la santé, ou augmenter les recettes de l’État, et si oui comment ? Allez-vous par exemple arrêter de diminuer les nombre de contrôleurs au SPF des Finances afin de mieux combattre la fraude fiscale ?
(2) Votre parti est-il d’accord de renforcer la progressivité de l’impôt en modulant la quotité exemptée d’impôt uniquement pour les bas et moyens revenus et en augmentant le nombre de tranches d’imposition, et par le rétablissement des tranches d’imposition supérieures pour les très hauts revenus ?
Sofia Touhami (PTB) rappelle que son parti, qui n’a encore qu’un député au PE (Marc Botenga), a voté contre ce carcan budgétaire absurde qui fait payer aux travailleurs une gestion économique et financière régie par la logique néolibérale, souligne qu’il est toujours possible de refuser de respecter ces contraintes et définit l’approche du PTB comme s’inscrivant pleinement dans la recherche de la justice fiscale. Elle mentionne la suppression des niches fiscales, la lutte contre la fraude fiscale (qui représente plus de 40 Mds par an en Belgique, soit 7% du PIB), notamment en augmentant le nombre de contrôleurs, en redéfinissant les territoires reconnus comme paradis fiscaux (actuellement des pays comme le GD du Luxembourg ou l’Irlande n’en font pas partie) et en levant le secret bancaire, la révision de l’imposition des sociétés (pourquoi le petit commerçant doit-il payer 25% quand la multinationale peut jongler avec ses filiales : le lieu de profit doit être le lieu de taxation), et une plus grande progressivité de l’impôt. Elle fait remarquer que le taux de délocalisation suite à des mesures fiscales sur les sociétés est relativement faible et que de toute façon de petites entreprises locales sont préférables à des multinationales.
Samuel Cogolati (Ecolo) affirme que son parti est opposé à ces décisions budgétaires de l’UE qui sont aussi irrationnelles qu’injustes puisqu’elles vont entraîner un sous-financement encore pire des services de justice, de santé, d’enseignement et freiner les mesures à prendre pour préserver notre environnement face au dérèglement climatique (or nous savons que l’inaction en ce domaine coûtera en fin de comptes beaucoup plus cher que d’agir). S’endetter pour le bien commun est une bonne chose, nous en avons eu la preuve lors de la crise sanitaire. Nous devons introduire des recours en justice en montrant que des réductions de dépenses dans les services publics entraîne le non-respect de droits humains garantis par la Constitution belge (en ce sens le jugement en faveur de l’Affaire Climat a aidé son parti dans les négociations avec la Flandre et a permis de faire voter la reconnaissance du crime d’écocide).
Concernant la seconde question, son parti est favorable non seulement à une plus grande progressivité de l’impôt mais à une globalisation des revenus. Le Bureau du Plan a établi que c’est avec le programme Ecolo que les 10% les plus pauvres gagneraient le plus (244 €/mois).
La réponse aux lignes rouges qui ne seraient pas franchies dans des négociations pour entrer dans un gouvernement de coalition est un peu louvoyante. Il rappelle qu’il y a toujours des compromis à faire, et que dans le cs de la Vivaldi, Ecolo a lâché sur la défense des immigrés en échange d’une promesse de réforme fiscale – qui a été bloquée par le MR.
Malik Ben Achour (PS) n’est pas favorable à l’austérité à la fois pour des raisons de principe et pour des raisons rationnelles : la crise sanitaire a montré à quel point des investissements publics sont importants, notamment dans les soins de santé. Il faut à la fois augmenter les salaires et diminuer l’imposition du travail. Les recettes doivent venir d’un impôt sur les grosses fortunes (1% sur ce qui dépasse 1,2 Mo d’euros hors résidence principale et investissements professionnels rapporterait 5,4 Mds / an), imposer davantage les grosses entreprises, mieux lutter contre la fraude fiscale (avec davantage d’agents ; là aussi il y a des milliards à aller chercher).
Mais la droite mène une politique néolibérale cohérente même si suicidaire et a jusqu’à présent toujours obtenu le portefeuille des finances et celui des Affaires étrangères. Si le PS était aux Finances il mènerait une politique de gauche.
Fabian Culot (MR) établit d’emblée le parallèle entre la gestion de l’État et celle d’une famille. Les recettes doivent équilibrer les dépenses. Or le déficit de l’État belge a explosé. Le candidat ne se pose pas la question de savoir pourquoi, et son discours tout lisse et quasi sans ponctuation ne nous laisse pas l’occasion de la lui poser, mais il nous aurait sans doute répondu en termes de gabegie et non de niches fiscales et de cadeaux aux riches. Quand il mentionne la crise sanitaire, c’est pour déplorer le ‘dérapage budgétaire’. Il préfère le terme rigueur à austérité, et insiste sur la nécessité d’une plus grande efficacité notamment par davantage d’informatisation. Il regrette les redondances dans l’enseignement. Il souhaite une réforme fiscale qui rendent davantage de moyens aux travailleurs, mais nous ne savons pas comment. Il voudrait relever la quotité exemptée pour tous. Plutôt que d’ajouter des tranches d’imposition avec des taux plus élevés, il insiste sur la nécessité de mettre les chômeurs au travail (il rappelle qu’il y a 200 métiers en pénurie de main d’œuvre) et retape sur le clou d’un enseignement ‘inefficace’.
Carine Clotuche (les Engagés) est bien d’accord que pour lutter contre la fraude fiscale il faut s’en donner les moyens. Son parti veut investir dans la santé, et tout particulièrement dans la prévention. Mais par ailleurs elle insiste sur l’importance d’équilibrer le budget. Du côté recettes, son parti veut introduire des taxes environnementales et sociales sur l’utilisation de produits polluants et taxer les plus-values et les transactions spéculatives. Il veut moins d’impôt sur les revenus du travail et relever la quotité exemptée. Côté dépenses, elle préfère parler de rationalisation que de réduction (elle parle alors de la prévention qui peut faire reculer le nombre de malades de longue durée et ainsi soulager le budget de la sécurité sociale, d’une aide aux employeurs dans ce sens ; elle mentionne aussi l’individualisation des droits qui réduirait les frais de contrôle). L’évasion fiscale doit être combattue au niveau de l’UE.
Fiona Gentile (Défi) trouve qu’il est important d’investir pour la santé, l’enseignement, la justice, l’environnement, qu’il faut une grande réforme fiscale qui prévoie la globalisation des revenus imposables, mais pas d’impôt sur la fortune ; il faudrait également une taxe de 0,5% sur les transactions financières. Elle est d’accord qu’il faut cibler la fraude fiscale, ce qui pourrait faire rentrer des milliards et non consacrer d’énormes moyens pour traquer une fraude sociale qui ne rapporte quasi rien.
Pour conclure les six candidats présentent leurs priorités, après avoir, toutes et tous, remercier les organisatrices et les participant·es.
Fiona Gentile (Défi) veut un mode de gouvernement transparent, rappelle le soutien de son parti aux demandeurs de protection internationale et souligne que la paix dans le monde est un objectif atteignable.
Samuel Cogolati (Ecolo) est fier de militer dans un parti qui tente de freiner la course folle vers la catastrophe. Il n’y a pas de temps à perdre pour sauver la planète. Il réclame aussi la régularisation des sans-papiers.
Carine Clotuche (Les Engagés) note combien les thématiques se croisent. Ainsi le dérèglement climatique entraîne les migrations. Son parti apporte des propositions, notamment dans le domaine de la santé et de la santé mentale et pour aider les jeunes en décrochage.
Fabien Culot (MR) déroule quelques phrases sur la complexité de notre société, l’interdépendance des problèmes, l’importance d’aborder les enjeux.
Malik Ben Achour (PS) fait remarquer que les problèmes que nous avons à gérer ici et ailleurs sont les conséquences de l’histoire coloniale et de l’histoire de la mondialisation. Son parti souhaite une société qui protège et qui émancipe.
Sofia Touhami (PTB) se réjouit des débats pluralistes auxquels elle a participé. Elle pointe parmi les engagements de son parti la lutte contre le fascisme, la justice fiscale et le respect des droits humains.