La carte blanche signée par sept économistes belges, dans l’édition du Soir du 24 mars, dénonce les méfaits de la mondialisation, prône la relocalisation et défend les services publics (enseignements, soins de santé…), autant d’attitudes qui ne peuvent que susciter l’adhésion d’un électorat soucieux de l’intérêt commun. Mais regardons-y de plus près.

Dans un souci politique de redistribution réductrice des inégalités économiques, principales causes des inégalités sociales, l’impôt sur le revenu du travail s’applique à l’entièreté du revenu des contribuables avec un taux de prélèvement progressif par tranche. Par contre, la TVA, à taux fixe, porte sur la part consommée du revenu (après impôt). Ce dernier étant entièrement consommé par les contribuables à faibles revenus et progressivement épargné par les nantis, la TVA ponctionne donc dégressivement les contribuables et contredit l’objectif de réduction des inégalités sociales.

Faut-il une unification des régimes fiscaux au sein de l’Union européenne ? Les pays européens sont différents en de multiples domaines. Cette diversité nécessite des actions politiques, notamment fiscales, adaptées (et non uniformes) selon les pays. Le choix d’introduire l’euro, monnaie unique, avec des taux de change initiaux basés sur le marché maintient cette hétérogénéité entière. Une autre option eut été d’instaurer des taux de change à parité des pouvoirs d’achat. Dans la situation actuelle, pour permettre à chaque pays de faire face à la concurrence des autres pays de l’Union, sans baisses des salaires et/ou des impôts par certains, une solution analogue à la péréquation financière nationale en Confédération suisse[1], basée sur la solidarité entre les cantons, est proposée par l’économiste Raphaël Didier[2]. Il s’agirait de fixer des montants de revenus et de les transférer des pays les plus riches vers les pays les plus pauvres de l’Union.

Le fonctionnement de la TVA expliqué par les auteurs de la carte blanche se peut nuancé. Ce sont les variations des taux de TVA (et non les taux) qui risquent d’avoir des effets pervers sur le marché. De plus, le modèle économique hérité du siècle passé et privilégiant la consommation n’a jamais véritablement existé sans la production. S’il n’y a pas de produit pour satisfaire les besoins économiques des individus, il n’y a aucune consommation possible. Ni la production, ni la consommation ne doivent être négligées.

Toutefois, il ne faut pas se tromper d’outil incitatif à la relocalisation de certaines entreprises, à la création d’emploi et à une consommation plus sobre et plus responsable.

Si le travail humain permet de satisfaire nos besoins économiques, les travailleurs devraient être préservés notamment par une rémunération convenable qui attirerait de nouveaux travailleurs. Le travail est conditionné par la nature et le capital et de nombreux autres facteurs, dont l’éducation. La nature devrait donc être préservée au stade de la production et de la consommation par des actions de préservation préventives et de restauration. Seul le capital l’est déjà par l’amortissement. Cela nécessiterait des travailleurs supplémentaires qui affermiraient le revenu national et alimenteraient tant l’investissement que les recettes fiscales.

Dans la situation de mondialisation de l’économie, il est possible d’acheter plusieurs fois le même bien produit à l’étranger pour le prix d’un seul bien identique produit en Belgique. Une modification du système monétaire international avec des taux de change à parité des pouvoirs d’achat inciterait à relocaliser certaines entreprises et à consommer plus sobrement : face à des prix comparables, les agents économiques belges et étrangers seraient réciproquement replacés dans une concurrence loyale et non délétère.

Tout cela augmenterait le nombre d’emploi et limiterait la quantité de produits consommés sans intervention fiscale.

Enfin, par rapport aux ressources fiscales à trouver, si le budget doit être équilibré, la réduction des dépenses publiques suggérée par le président du MR est inacceptable et réductrice. Nous avons des solutions simples. Rétablir des taux d’imposition beaucoup plus élevés sur les tranches de revenu les plus élevées (en 1978, le taux marginal maximum était de 71,6 % avec un taux moyen maximum de 67,5 %). Supprimer le caractère libératoire du précompte et imposer les revenus mobiliers aux mêmes taux que les revenus du travail. Imposer les transactions financières. Lutter efficacement contre la fraude et l’évasion fiscale.

Ces questions seront abordées le vendredi 16 juin, lors du colloque “Pas de justice sociale ou climatique sans justice fiscale” [3].

Attac Liège

[1]https://www.efd.admin.ch/efd/fr/home/politique-budgetaire/perequation-financiere-nationale.html
[2]http://www.raphael-didier.fr/2022/10/l-heterogeneite-croissante-au-sein-de-la-zone-euro.html
[3]https://www.cncd.be/colloque-rjf-ixelles-2023


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