[Josiane Marquet et Christine Pagnoulle]

Quand nous pensons atteintes à l’environnement, perte de biodiversité, les associations les plus spontanées, ce sont les terres arables, les métaux rares, l’eau, le pétrole, le gaz… Pas les matériaux de construction (sable, gravier, roche concassée). Or la chercheuse Aurora Torres, docteur en écologie, pionnière dans l’étude des sables, montre l’impact de ces matériaux sur l’environnement, ainsi que sur l’économie et les relations sociales.

Aujourd’hui les activités humaines pèsent davantage sur la planète que tout le vivant.
Le sable est le matériau le plus exploité, avant même les carburants fossiles, ce qui provoque des pénuries locales.
Infrastructures routière, urbanisation et bétonisation des sols, érosion des côtes, construction d’îles artificielles pour pallier la pénurie de terres : autant d’atteintes à l’environnement immédiatement perceptibles.
Le dragage du sable dans les rivières les appauvrit en sédiments (l’extraction déplace et détourne 24 fois la quantité de sédiments amenés à l’océan).
Les conséquences sur la biodiversité et les conflits
Les études montrent qu’environ 25000 espèces pourraient disparaitre du fait de l’extraction des matériaux de construction. Les menaces dues à l’extraction des sables et des graviers portent essentiellement sur les zones côtières et sur les habitats d’eau douce. Celles dues aux carrières de pierre se situent plutôt dans des habitats rocheux, grottes et forets.
Ce qu’on imagine moins, c’est que les transports de ces sables, qui se font par centaines de barges et bateaux, favorisent la diffusion de graines d’espèces invasives, plantes, animaux et même des microbes jusqu’alors inconnus chez nous. Dans les carrières, se forment des mares d’eau stagnantes propices à la prolifération des moustiques, ce qui permet la dissémination des maladies.
L’érosion due aux dragages, la perte de forets dues aux extractions, impactent les terres cultivables, et en bord de mer, l’eau salée qui s’infiltre dans les rivières et dans les nappes phréatiques rend l’eau et les cultures impropres à la consommation.
L’augmentation de la population urbaine et de toutes les infrastructures qu’elle entraine participer pour beaucoup au réchauffement climatique, d’autant que le béton et l’asphalte se détériorent rapidement.
Pour quelle économie, et quelles conséquences sociales ?
Cette ressource finie et non renouvelable, est victime dans certains pays de ce qu’on pourrait appeler la tragédie des « biens communs ». Les dépôts de sables sont faciles à exploiter et difficiles à réglementer. Certains les surexploitent sans penser aux conséquences. De véritables mafias des sables se sont créées.
Les populations locales qui subissent les conséquences environnementales de ces extractions, la brutalité des exploiteurs et les conflits consécutifs risquent bien de devenir des réfugiés climatiques.
Quelles solutions préconiser ?
Augmenter l’efficacité des matériaux pourrait créer de l’emploi et freiner le changement climatique. Peut-être la recherche nous permettra-t-elle aussi de découvrir et d’employer des matériaux durables et récupérables. Mais méfions-nous du ‘solutionnisme’. Les réponses efficaces ne sont pas techniques mais politiques : réduire la demande, mieux utiliser les bâtiments existants, lutter contre la périurbanisation et la bétonisation des sols.
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Espèces exotiques envahissantes : une autre menace méconnue
Dans la foulée de l’intervention d’Aurora Torres sur les sables et dans le cadre des rencontre organisée à Seraing par ATTAC Liège et le Cercle Leonardo da Vinci, le chercheur Arnaud Monty attire notre attention sur le danger des espèces invasives, qu’il s’agisse de frelons, de coccinelles asiatiques, d’écrevisses d’Amérique, porteuses de maladies, ou de plantes comme la renouée du Japon, qui altère la qualité des sols. Un autre risque est que ces espèces exotiques s’hybrident avec les espèces endogènes sans que nous puissions imaginer les résultats futurs sur le patrimoine génétique, les dégâts supplémentaires sur l’environnement et la santé humaine.


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