Renaud Duterme, Petit manuel pour une géographie de combat, Paris, La Découverte, 2020, 204 pages, 14€

Un petit livre rouge – clair, facile à lire, qui se veut « une grille de lecture au service des luttes » (p.13). Il explore différents aspects du rapport entre capitalisme et espace. Ainsi le développement du capitalisme est étroitement lié à l’occupation de l’espace, qu’il s’agisse de la privatisation des terres ou de la colonisation d’autres continents où l’asservissement des populations locales s’accompagne d’une dépossession de toute capacité d’autonomie (comme l’illustre l’interdiction de l’industrie textile au Bengale sous domination britannique) ainsi que d’une dérégulation totale de l’équilibre permettant la survie collective. La dépendance économique se poursuit après les indépendances formelles grâce au mécanisme de la dette et des ‘ajustements structurels’, perpétuant une dynamique perverse du ‘centre’ exploitant et déstructurant la ‘périphérie’. Le capital a perpétuellement besoin de nouveaux marchés ; il les trouve par l’expansion territoriale, mais aussi par l’urbanisation, qui va créer de nouvelles demandes et contribuer à une « rupture métabolique » (Malcom Ferdinand). Après avoir rappelé le rôle de la dette publique comme instrument de soumission des pays de la ‘périphérie’ et celui de la dette privée pour à la fois nourrir le marché et s’assurer la mainmise sur les emprunteurs, Duterme constate l’importance des conflits armés et de l’industrie de l’armement. L’auteur rappelle que si le capitalisme est aujourd’hui mondial, c’est que l’idéologie néo-libérale, qui impose la pensée TINA (There is no alternative), entraîne des privatisations de services publics et de biens communs, la libéralisation commerciale et financière, des accords dits de libre-échange qui renforcent le pouvoir des multinationales, notamment par le biais de juridictions privées. Dans ce contexte délétère, la compétition entre territoires est arbitrée par ces ‘fiscotraficants’ notoires que sont les agences de notation. Il n’y a pas concurrence mais inégalité de fait entre métropoles d’une part et zones rurales et villes de moindre importance d’autre part ; elle s’accompagne d’énormes inégalités au sein des villes : il s’agit de « discipliner la lutte de classes par la lutte des lieux » (120).

De tout temps, les migrants ont été nécessaires au capitalisme, depuis les expulsions de paysans des terres qu’ils cultivaient. Il est temps de reconnaître leur importance économique et de cesser de distinguer entre vils immigrés et ‘expatriés’ triés sur le volet de leur formation.

Depuis le début également, le recours à l’énergie fossile a servi le développement industriel : le charbon libérait de la contrainte naturelle qu’était la proximité d’un cours d’eau comme source d’énergie. Depuis, les grandes entreprises sont passées maîtres dans l’art d’externaliser leur pollution, qui est déplacée dans l’espace, mais aussi différée dans le temps.

L’ouvrage conclut sur l’urgence de socialiser des secteurs comme la finance et l’énergie, et de préserver ou rétablir la caractère public de secteurs comme l’enseignement, la santé, les transports ou le logement.


  • Publié : 4 ans ago on 24 septembre 2020
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  • Dernière modification : septembre 24, 2020 @ 9:06 am
  • Catégorie : Livres

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