Carte blanche

Lundi 28 octobre 2013

Richard Falk, rapporteur à l’Assemblée générale des Nations-unies, a prouvé les liens entre Dexia SA et la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens. Or, l’État belge est l’actionnaire principal de cette «bad bank».

Le 29 octobre, le Rapporteur Spécial sur la « situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 », Richard Falk, présente son rapport à l’Assemblée générale des Nations-unies. Celui-ci est accablant pour Dexia SA et l’État belge qui est l’actionnaire principal de cette « bad bank ». Constatant le financement des colonies illégales dans les territoires palestiniens par Dexia SA à travers sa filiale Dexia Israël, le Rapporteur de l’ONU exhorte la Belgique à mettre fin aux activités de la banque dans les territoires occupés, à sanctionner les responsables au sein de Dexia et souligne la possibilité pour la Cour Pénale Internationale d’enquêter sur l’implication du personnel belge de Dexia dans des crimes de guerre. Le rapport affirme également que la Belgique pourrait être tenue pour responsable des dégâts causés par Dexia SA et condamnée au versement de compensations et de dommages de guerre ! Le gouvernement doit donc impérativement mettre fin à ces violations graves du droit international.

Mais pour que ce dernier agisse, il faudra bien plus que des rapports. Rappelons, en effet, qu’aucune enquête judiciaire n’a été demandée par la Belgique et la France pour punir les responsables du naufrage de Dexia SA, cinq ans après le premier sauvetage de la banque par les pouvoirs publics et malgré le rapport de la Cour française des comptes de juillet 2013 qui épingle la responsabilité des administrateurs, des actionnaires et des autorités de surveillance. Apparence légale

Pire, les États belge et français ont fait le choix de donner une apparence légale à des actes pris antérieurement en violation du droit et à blanchir le comportement délictueux de Dexia. En Belgique, le Parlement fédéral a validé le 16 mai de manière rétroactive les deux arrêtés royaux pris illégalement par le gouvernement en 2011 et 2012 qui engagent l’État à garantir les dettes de Dexia SA à hauteur de 43,7 milliards d’euros (sans compter les intérêts et les accessoires) jusqu’en 2031 ! La violation de la Constitution belge était flagrante car les parlementaires n’avaient même pas été consultés sur ces garanties alors que cette matière relève de leur compétence. C’est ce que le CADTM a démontré devant le Conseil d’Etat dans sa requête en annulation de ces deux arrêtés royaux introduite avec ATTAC Liège, ATTAC Bruxelles 2 et deux députés fédérales, Zoé Genot et Meyrem Almaci.

Les parlementaires se sont ainsi tirés une balle dans le pied puisqu’ils donnent au Ministre des finances les pleins pouvoirs jusqu’en 2031 pour conclure les conventions de garantie avec les créanciers de Dexia SA. Ils cautionnement également le comportement délictueux de Dexia en engageant l’État à payer, en cas de défaut de la banque, toutes ses dettes même celles qui sont illégales ! Cette obligation figure explicitement dans l’article 2 (a) de la Convention signée par le Ministre des finances le 24 janvier 2013. Autrement dit, si Dexia ne paie pas ses dettes, les citoyens doivent automatiquement les régler à sa place avec comme conséquence l’augmentation de la dette publique et le renforcement des mesures d’austérité. Rappelons que les trois sauvetages de Dexia ont déjà coûté 9 milliards d’euros aux citoyens résidant en Belgique et que la facture va encore s’alourdir, comme le souligne le rapport de la Cour française des comptes.

En France, les parlementaires s’apprêtent eux aussi à blanchir les délits de Dexia en adoptant une loi rétroactive mettant fin aux poursuites engagées devant les tribunaux par 200 collectivités publiques victimes des prêts toxiques de la banque. En effet, l’article 60 du projet de loi de finances pour 2014 prévoit une amnistie pour les banques comme Dexia qui ont commis le délit de ne pas mentionner dans les contrat de prêts le taux effectif global (TEG) des intérêts à payer. L’adoption de cette disposition mettrait alors un terme à la plupart des actions en justice des collectivités lésées par Dexia qui se fondent sur le défaut de mention de ce TEG. Cet article 60 est doublement dangereux : d’un part, il fait porter une part importante des surcoûts liés aux prêts toxiques par les collectivités publiques tout en leur privant de leur droit d’agir en justice et d’autre part, il remet en cause le principe de non-rétroactivité des lois, un des principes essentiels du droit. Urgence

On le voit bien : les dirigeants politiques changent la législation afin de protéger les responsables et de justifier a posteriori toute conduite illégale. Mais il n’y a aucune fatalité à condition que le population se mobilise et ce, à seulement quelques mois des élections de 2014. L’urgence est de couper tous les liens entre l’Etat et Dexia SA (incluant donc Dexia Israël) qui – rappelons-le – ne dispose d’aucun dépôt d’épargnant. Pour ce faire, il faut au préalable remettre en cause la garantie d’État qui, bien que revêtue d’une légalité de façade, n’en est pas moins illégitime pour la population. C’est précisément l’existence de cette garantie qui est utilisée par les dirigeants politiques pour justifier les sauvetages à répétition de cette « bad bank ».

Ce n’est pas à nous de payer les dettes illégitimes de la banque mais bien aux responsables de la débâcle et aux autres institutions financières qui étaient contractuellement liées à Dexia SA. N’en déplaise aux économistes libéraux, il existe des alternatives. La mise en faillite de Dexia SA consécutive à l’annulation de la garantie d’État en est une. Cette mesure aura l’avantage d’enclencher (enfin) une enquête judiciaire pour identifier et sanctionner les responsables de la débâcle. La culture de l’impunité dans le monde bancaire et politique a assez duré.

*Renaud Vivien est membre du Comité pour l’annulation de la Dette du Tiers Monde


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