Motion d’Attac Liège concernant le projet de Traité modificatif de l’Union européenne (Traité de Lisbonne) Contre l’imposition aux peuples européens du projet de Traité modificatif de l’Union européenne.

Pour une réelle information, un débat public et une consultation des citoyens.

En tant que mouvement international, Attac est favorable à la construction d’une entité européenne qui promeut et garantit le droit des citoyens à la liberté, l’égalité, la solidarité, la justice fiscale et sociale et à la préservation de l’environnement, c’est-à-dire une Europe au service de la population et non du profit, de la compétitivité, des marchés financiers ou des grandes entreprises. Il y a trois ans, Attac s’était farouchement opposée à un projet qui contrevenait à ces principes : celui du Traité constitutionnel européen. Après la mise en échec de ce dernier en 2005 par le vote des citoyens français et néerlandais, les dirigeants européens ont remis le projet sur le métier. Suite à un processus à huis clos durant l’été 2007, ils s e sont mis d’acc ord sur le projet de Traité modificatif, qui vient se substituer à son prédécesseur mort-né. Nous entrons dans la phase de ratification, que ces mêmes instances souhaitent clôturer au plus tard à la mi-2009. Elles veulent aller vite, prétextant l’urgence de la relance européenne et le caractère réduit ou simplifié dudit Traité. Nous pensons qu’il y a d’autres rais ons et qu’il s’agit aussi d’éluder tout débat public qui mettrait en évidence ce que contient en réalité ce projet.

Copie quasi conforme… et encore moins lisible

En fait, la concordanc e quasi parfaite entre le nouveau et l’ancien texte est largement reconnue par les observateurs de bonne foi. D’éminents porteurs de l’ex-projet de Traité constitutionnel (dont Valéry Giscard d’Estaing lui-même) et les plus fins analystes qui s’y étaient opposés en 2005 s’accordent aujourd’hui pour considérer que la quasi-totalité du contenu de ce projet se retrouve dans le Traité modificatif ! Simplement, la forme est différente : il ne s’agit plus d’intégrer en un seul texte (à vocation « constitutionnelle ») les traités antérieurs en les complétant, mais de modifier chacun de ceux-ci en y apportant les changements voulus. Alors, veut-on nous « vendre » délibérément le même produit dans un nouvel emballage ?

Eh bien oui ! L’effort considérable que requiert la lecture de ce nouveau projet, fait d’amendements difficilement compréhensibles sans se reporter aux textes qu’ils modifient, débouche sur de tristes constats. Primo, les « nouveautés » sont de portée mineure : suppression des s ymboles de l’Union, appellation revue pour la nouvelle fonction de représentant de la politique étrangère de l’Union. Secundo, les orientations du Traité constitutionnel dénoncées par Attac en 2005 sont tout autant présentes dans ce nouveau texte. Ainsi, le principe de la « conc urrence libre et non faussée », certes retiré des Objectifs de l’Union, est affirmé comme fondamental en de multiples articles moins « visibles » mais non moins essentiels (dont un Protocole spécifique). La politique de défense européenne est principalement envisagée dans le cadre de l’OTAN (et liée par conséquent à c elle des Etats-Unis) et constitue le seul domaine dans lequel l’augmentation des dépenses publiques est encouragée. La Banque centrale européenne reste totalement indépendante du pouvoir politique et a officiellement pour seul objectif le maintien de la s tabilité des prix. Reprenant le concept de Services d’Intérêt économique général (SIEG) le tex te porte une attaque de plus aux services publics tels que nous les défendons. Suivant les principes y énoncés, leur réalité, acquise de haute lutte, est vouée à s e voir progressivement restreinte à une peau de chagrin pour finir vidée de son sens (par un implacable processus de libéralisations). Le texte précise l’option d’une Europe « forteresse » et livre une conception limitative de la citoyenneté. Il affirme le rôle essentiel de « l’héritage religieux » dans le développement des valeurs européennes. Les Droits fondamentaux res tent virtuels car l’Union n’a pas l’obligation d’adapter ses institutions pour les garantir. Attac ne peut donc que s’opposer résolument à ce projet « ressuscité ».

Renforcement de l’option néolibérale

On le voit, le Traité modificatif inclut clairement des options politiques, ce qui est lourd de c onséquences.

Que ces options s outiennent l’essor du néolibéralisme par le « tout au marché » est dramatique aux yeux d’Attac. Mais notre mouvement dénonce avant tout le simple fait d’intégrer des orientations politiques et idéologiques dans un Traité qui devrait se limiter à fix er un cadre institutionnel. Le Traité de Lisbonne affirme encore plus cette tendance déjà marquée dans ceux de Maastricht et de Nice. Expliquons-nous.

Tout traité international s’impose aux Etats contractants. La plus vive inquiétude se justifie dès lors que ces traités institutionnalisent des politiques, vouées à déterminer foncièrement la vie quotidienne future des citoyens européens, en raison du spectre extrêmement large des compétenc es qu’elles concernent (l’Union opère notamment un « grignotage » par le biais de sa compétence « tentaculaire » en matière de concurrence). Dans c e contexte de plus en plus « fermé », il sera d’autant plus difficile à l’avenir de changer le rapport de force issu du jeu démocratique. L’argument comme quoi on ne peut pas contrevenir aux principes des traités européens supérieurs risque d’être fréquemment avancé… Et les niveaux de pouvoir plus locaux devront aussi, plus que jamais, se conformer, bon gré mal gré, à ces grandes orientations européennes.

Négation de la démocratie.

Ce Traité illustre et renforce le processus de déplacement des lieux de décisions vers l’Union européenne, les extrayant de la sorte de ce qui reste du champ démocratique. Ce glissement s’apparente à confisquer aux citoyens leur pouvoir de contrôle. Entendons-nous bien, Attac ne rejette pas dans l’absolu le transfert de compétences vers l’Union européenne. Il existe des matières qu’il serait plus utile de gérer à ce niveau ou qui seraient plus profitables aux citoyens si elles étaient de la compétence de l’Union (comme un impôt commun sur les sociétés ou sur les fortunes, comme un salaire et un revenu minimum pour tous , etc.). Ces transferts devraient s’accompagner de modes de décision et de contrôle démoc ratiques au niveau européen (dans un hypothétique cadre fédéral démocratiquement décidé, par exemple). Mais la carence démocratique de l’Union est absolument patente : initiative législativ e réservée à la Commission, rôle législatif du Conseil des Ministres (qui n’est autre que la réunion des exécutifs nationaux), Parlement européen aux pouvoirs limités à une faculté de blocage et exclu de la codécision dans des domaines essentiels (bien que le nombre de domaines dans lesquels cette dernière s’applique augmente dans le nouveau projet), poids déterminant des lobbies économiques et financiers avéré à la lecture des Directives (dans lesquelles on repère régulièrement des copier/coller de leurs propositions et qui, une fois transposées , représentent désormais 70% de nos législations nationales !), délégations de pouvoirs à des agences et experts autonomes, latitude décisionnelle plus que strictement interprétative laissée à la Cour de Justice (nommée par les Gouvernements). En bref, le fonctionnement actuel de l’Union européenne bafoue le principe fondamental de la séparation des pouvoirs et celui de leur indépendance vis-à-vis des groupes de pression. Cet état de chose institutionnel s erait entériné, affermi, par l’adoption du Traité modificatif. Dans un tel contex te, difficile de croire ceux qui promettent, toujours pour plus tard, le (r)établiss ement du lien entre l’Union et ses citoyens ou encore la c onstruction d’une Europe sociale…

Contre un Traité imposé aux peuples européens, pour un débat public et une consultation des citoyens Le projet de Traité modificatif a fait l’objet d’un accord des chefs d’Etat lors du Sommet européen d’octobre 2007. Il est entré dans sa phase de ratifications nationales. Préc isons que toute remise en question du Traité après sa ratification nécessiterait l’unanimité des Etats membres. Pour cette raison, comme pour toutes celles énoncées ci-dessus, Attac n’accepte pas le scénario d’une adoption rapide par les assemblées sans débat public préalable ni procédure spéciale. Il s’agit d’accorder à ce projet de Traité l’importance politique qu’il mérite. Précisément, il est impératif que se mette en place dans l’ensemble des pays, dont la Belgique, un proc essus démocratique consistant en une information complète, un véritable débat public contradictoire (impliquant mouvements citoyens, syndicats, ONG, médias, partis, parlements), une consultation des citoyens et une obligation pour chaque élu d’adopter une position motivée. Voilà ce qui justifie l’appel de notre mouvement pour la mobilisation des forces qui, favorables à la construction européenne, contestent son fonctionnement antidémocratique et l’omnipotence en son sein de l’idéologie néolibérale. Il es t grand temps de marquer un coup d’arrêt à cet état de chose. Dans les prochains mois, Attac militera en faveur d’un réveil citoyen à propos de cet enjeu de taille. Et dans le contexte de la crise politique belge actuelle, un maximum de volontés sera à réunir pour placer la question essentielle du futur cadre légal européen au cœur des préoccupations publiques !

Attac Liège


Laisser une réponse

A la une !