Créons une « Fritibank » publique, sur le modèle de la Kiwibank

Par Marco Van Hees

Voici une expérience qui vaut le détour, même si, ici, il fait près de 19 000 km. La Nouvelle-Zélande, pionnière en matière de privatisations tous azimuts (lire ci-dessous), avait totalement supprimé les services financiers publics, y compris ceux de la poste. Elle en est revenue…

Première étape : en 1992-93, la poste néo-zélandaise installe des points de vente un peu partout sur l’archipel. Pour les services postaux, mais aussi pour les services financiers. Dix ans plus tard, seconde étape : la poste et l’État créent en 2002 une véritable banque publique : la Kiwibank. Du nom de cet oiseau néo-zélandais… qui ne vole pas.

Les grandes banques étrangères, puissants rapaces volant à ailes déployées, dominent le marché. Mais elles délaissent les communautés rurales et les banlieues, pas assez rentables. La Kiwibank, par contre, y pond ses œufs.

« En partant de l’aéroport pour l’hôtel, raconte ainsi le blog d’un touriste, on a dû s’arrêter pour mettre nos sous à l’abri à la «kiwibank». Le seul bureau d’ouvert, c’était dans un petit patelin perdu entre l’aéroport et la ville. La «kiwibank» était en plein milieu d’un marché polynésien dans un quartier polynésien peuplé de Maoris, pas un blanc à l’horizon. (…) Cette fameuse kiwibank se trouvait dans un magasin à bricoles à un dollar. »

Pas étonnant si, fin 2003, la Kiwibank occupe déjà la première place en nombre d’agences (287 sur l’ensemble du pays, dont beaucoup ouvertes le samedi, voire le dimanche) et compte 150 000 clients, approchant après à peine vingt mois d’existence l’objectif qu’elle s’était fixé seulement pour son troisième anniversaire. En 2008, le succès n’est pas démenti puisqu’elle passe le cap de 600 000 clients (pour 4 millions d’habitants).

D’où, question : pourquoi ne pas créer en Belgique, sur le modèle de Kiwibank, une banque publique. Et quand nous disons « banque publique », nous n’entendons pas seulement une banque dont le capital est public, mais une banque conçue comme un véritable service public. Passons en revue les avantages…

Non assoiffée par le profit, la Kiwibank échappe à la crise des subprimes

Premier avantage, développer le réseau d’agences. À l’heure où toutes les banques ferment les leurs, ce serait aller positivement à contre-courant. D’autant que La Poste ferme aussi ses bureaux. Plutôt que d’offrir la Banque de La Poste (privatisée à 75 %) à BNP Paribas, il vaudrait mieux renationaliser la poste et, par exemple, la fusionner à Dexia, pour créer une banque publique qui rouvrirait tous les bureaux de poste et agences Dexia fermés afin d’y offrir tant des services financiers que postaux.

Deuxième avantage : redéfinir le rapport à la clientèle. Aujourd’hui, les banques méprisent les petits clients. Là où subsiste une agence, les guichets sont des forteresses imprenables, sauf s’il s’agit de vous fourguer des placements (à risque) ou des assurances. La Kiwibank, elle, a construit son image sur le thème « Nous ne traitons pas les gens comme des numéros, mais comme des personnes, avec lesquelles il faut négocier… ». Combinant accessibilité et qualité de l’information aux clients, tout en créant des innovations technologiques bancaires utiles aux gens, elle dépasse de loin les autres banques dans les enquêtes de satisfaction de la clientèle.

Troisième avantage : la politique tarifaire. Les tarifs de la Kiwibank sont de 50 % inférieurs à ceux des autres banques. Chez nous, on sait à quel point les banques ont de l’imagination pour monnayer le moindre service. Logique : lorsqu’une banque vise le profit maximum, tous les moyens sont bons. Sam Knowles, chef exécutif de la Kiwibank, constate que les quatre banques australiennes qui dominent le marché néo-zélandais ont des rendements sur fonds propres atteignant les 30 %. « Il n’y a aucune raison qu’un quelconque business affiche de tels rendements », estime-t-il.

Quatrième avantage : des placements sûrs. Du fait de ses modestes aspirations en matière de profits, la Kiwibank ne s’est pas aventurée sur les marchés internationaux des capitaux et n’a donc pas été touchée par la crise des subprimes, comme l’ont été la plupart des banques privées dans le monde. Qui plus est, la nouvelle banque publique pourrait afficher le slogan « Avec la garantie de l’État ». Rappelez-vous : cette petite phrase faisait tellement la réputation de notre ancienne CGER auprès des petits épargnants que les banques privées avaient exigé qu’elle soit effacée.

Cinquième et dernier avantage – mais on pourrait en mentionner de nombreux autres – cette banque publique pourrait devenir le créancier privilégié de l’État et des communes. L’État emprunterait ainsi l’épargne de la population. Et sa dette ne servirait plus à enrichir les banques privées.

Voilà… On s’y met quand ?


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