Enfin, le principe de la multiculturalité vient compléter les trois autres. Il s’agit de permettre à tous les savoirs, même traditionnels, de participer à la construction des alternatives, à toutes les philosophies et les cultures, en brisant le monopole de l’occidentalisation, à toutes les forces morales et spirituelles capables de promouvoir l’éthique nécessaire. Parmi les religions, la sagesse de l’hindouisme dans le rapport à la nature, la compassion du bouddhisme dans les relations humaines, la quête permanente de l’utopie du judaïsme, la soif de justice dans le courant prophétique de l’islam, les forces émancipatrices d’une théologie de la libération dans le christianisme, le respect des sources de la vie dans le concept de la terre-mère des peuples autochtones de l’Amérique latine, le sens de la solidarité exprimé dans les religions de l’Afrique, sont des apports potentiels importants, dans le cadre évidemment d’une tolérance mutuelle garantie par l’impartialité de la société politique.

Utopies que tout cela ! Mais le monde a besoin d’utopies, à condition qu’elles se traduisent dans la pratique. Chacun des principes évoqués est susceptible d’applications concrètes, qui ont déjà fait l’objet de propositions de la part de nombreux mouvements sociaux et d’organisations politiques. Le nouveau rapport à la nature signifie, entre autres, la récupération par les Etats de la souveraineté sur les ressources naturelles et leur non appropriation privée ; l’arrêt des monocultures et la remise en valeur de l’agriculture paysanne, la ratification, l’approfondissement des mesures de Kyoto et de Bali sur le climat

Privilégier la valeur d’usage entraine la non-marchandisation des éléments indispensables à la vie : les semences, l’eau, la santé, l’éducation ; le rétablissement des services publics ; l’abolition des paradis fiscaux ; la suppression du secret bancaire ; l’annulation des dettes odieuses des Etats du Sud ; l’établissement d’alliances régionales, sur base non de compétitivité, mais de complémentarité et de solidarité ; la création de monnaies régionales, l’établissement de multipolarités et bien d’autres mesures encore. La crise financière constitue l’occasion unique de mettre ces mesures en application.

Démocratiser les sociétés passe par l’organisation de la participation locale, y compris dans la gestion de matières économiques et va jusqu’à la réforme des Nations unies. La multiculturalité s’exprime par l’abolition des brevets sur le savoir, par la libération de la science de l’emprise des pouvoirs économiques, par la suppression des monopoles de l’information, par l’établissement de la liberté religieuse.

Mais qui sera porteur de ce projet ? Il est vrai que le génie du capitalisme est de transformer ses propres contradictions en opportunités. How global warming can make you wealthy ?, (Comment le réchauffement terrestre peut vous enrichir ?) lisait-on dans une publicité de US Today du début 2007. Le capitalisme pourra-t-il aller jusqu’à renoncer à ses propres principes ? Évidemment non. Seul un nouveau rapport de pouvoir y parviendra, ce qui n’exclut pas le ralliement de certains acteurs économiques contemporains. Mais une chose est claire : le nouvel acteur historique porteur des projets alternatifs est aujourd’hui pluriel. Ce sont les ouvriers, les paysans sans terre, les peuples indigènes, les femmes premières victimes des privatisations, les pauvres des villes, les militants écologistes, les migrants, les intellectuels liés aux mouvements sociaux. Leur conscience d’acteur collectif commence à émerger. La convergence de leurs organisations en est seulement à ses débuts et manque encore souvent de relais politiques. Certains Etats, notamment en Amérique latine, ont déjà créé des conditions pour que les alternatives voient le jour. La durée et l’intensité des luttes de ces acteurs sociaux dépendront de la rigidité du système en place et de l’intransigeance de ses protagonistes.

Offrez-leur donc au sein de l’Organisation des Nations unies un espace pour qu’ils puissent s’exprimer et présenter leurs alternatives. Ce sera votre contribution au renversement du cours de l’histoire, indispensable pour que le genre humain retrouve un espace de vie et puisse ainsi reconstruire l’espérance.

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