Par Marianne Rathmès
Publié tout à la fin du 19e siècle dans une magnifique écriture décrivant des personnages complexes. L’histoire se passe dans l’État libre du Congo, alors propriété privée de Léopold II, roi des Belges qui fera exploiter par ses sbires et par tous les moyens, même les plus cruels, toutes les richesses connues sur le territoire à cette époque (principalement le caoutchouc et l’ivoire).
Le livre de J. Conrad se présente plutôt comme un roman mais « au plus proche de la réalité ». L’histoire est racontée par un personnage : Marlow, (double de Conrad), qui a vécu toutes les péripéties de ce voyage sur le fleuve Congo, majestueux et terrifiant à la fois. Tout au long de ce voyage à bord d’un vieux rafiot à vapeur tout cabossé et peu fiable, il raconte ce qu’il a vu et entendu, il rencontre différents « fonctionnaires » ou des employés de sociétés exploitant sans scrupules les ressources à leur portée. Ils sont la plupart du temps désœuvrés mais veillent particulièrement à soustraire aux regards le produit de leurs larcins. Marlow constate également la façon dont sont traités les « indigènes » (chaines aux pieds, colliers en métal et chaînes au cou sans compter la « méthode des mains coupées » !) épuisés et la plupart du temps peu ou pas nourris ! Quand un de ceux-ci est irrécupérable on l’envoie sur une colline, sans soins, sans ressources pour y mourir ! Marlow est dégouté par ces méthodes barbares.
Marlow et son équipage sont envoyés au cœur du pays afin de récupérer un personnage mystérieux : Kurtz dont on parle beaucoup avant de le rencontrer. Marlow sera fasciné par la légende qui fait de lui un orateur hors pair, charismatique, porteur d’un idéalisme qui semble incontestable mais aussi un trafiquant d’ivoire que rien ne peut arrêter ! Marlow sera aussi écœuré par l’abjection la plus absolue de Kurtz. Il est continuellement tiraillé entre les deux faces de Kurtz. Celui-ci, malade et à la fin de sa vie prononcera ses derniers mots : « Cette horreur ! Cette horreur ! »
Pourtant, encore et toujours fasciné par ce personnage hors norme, Marlow restera avec lui jusqu’au bout.
De retour à Bruxelles, il ira voir la « promise » de Kurtz qui le suppliera de lui révéler ses dernières paroles. Mais devant l’amour qu’elle lui porte, il n’osera pas les lui révéler et en inventera d’autres : « Sa dernière parole fut….votre nom ».
Joseph Conrad, Le cœur des ténèbres.