[Par Christiane Herman]

Pas besoin de lépidoptères macédoniens, de scolytes de l’Orme, de feu bactérien pour expliquer l’état lamentable dans lequel se trouvent les arbres. Comme pour tout être vivant, si l’élémentaire manque, la résistance générale de l’organisme à une agression quelconque, est sérieusement compromise. Combien parmi des arbres trop longtemps déshydratés auront la force de débourrer au printemps suivant? Combien d’années leur faudra-t-il pour se « refaire » une santé ? L’asphalte sur les racines équivaut à une diminution des précipitations, le sel de déneigement aussi ; c’est une question d’osmose : des fosses de plantations étriquées c’est une diminution du volet tampon ! Le « pluviomètre » serait-il le premier outil de celui qui s’occupe d’arbres ?

Imaginez-vous à la place d’un arbre de ville avec les racines couvertes d’asphalte, dans une fosse de plantation étriquée, au sol compacté, sans humus, car les feuilles mortes, ça fait sale, attaqué par le sel de déneigement et diverses pratiques qui augmentent les sécheresses climatiques. Imaginez-vous dans l’écorce du Chêne Jupiter, de la forêt de Fontainebleau, le plus gros chêne de la région parisienne, avec ses 35 mètres de haut, ses 9 mètres de circonférence et ses 680 ans d’Histoire… lamentablement mort de soif (et donc de faim) en 1994, alors qu’il était sous la responsabilité de l’ONF (Office National des Forêts, France) ! Faut-il oublier Jupiter alors que nous avons inventé les sondes tensiométriques pour mesurer l’humidité des sols, les pluviomètres pour mesurer les quantités de pluie, les camions-citernes pour transporter l’eau, des fûts avec des tuyaux goutte à goutte pour abreuver la terre… A-t-on tout tenté pour sauver Jupiter ou n’avons nous rien vu venir ? D’accord, il nous est impossible d’arroser nos forêts plantées, mais en coupant un arbre sur deux, ceux qui restent ont deux fois plus d’eau ! A-t-on oublié « les pluies acides » du temps de Mitterrand et Kohl, alors que ces années nonante sont mises en évidence par un simple tableau des précipitations ? Ce genre de « recherche et développement », chacun peut le faire au départ des données de la station météorologique de sa région. L’arbre nous cachera toujours ses racines, ses réserves, mais il ne nous empêche pas de l’observer, d’essayer de le comprendre, de remarquer un stress climatique.

Chez nous, les platanes perdraient deux fois leurs feuilles. C’est inexact. Si vous observez les feuilles qui tombent en mai, juin, juillet, ce sont de jeunes feuilles qui n’ont pas bénéficié d’une « abscission » normale. Elles ne se sont pas détachées à leur jonction d’avec la tige ; le pétiole est sectionné plus haut, grâce à l’intervention d’un champignon qu’on appelle « anthracnose ». Ainsi le platane diminue sa surface d’évaporation car il n’a pas assez d’eau et, par là même, diminue sa surface de photosynthèse. Ainsi, la « maladie » est transformée en « symbiose » ; la compétition transformée en partenariat ! Idem avec l’oïdium et autres « maladies » des arbres. Trop souvent l’agresseur devrait être qualifié de « parasite de faiblesse » ! L’arbre a-t-il eu les 3 à 8 ans[2] nécessaires pour se refaire une santé ? Ne faudrait-il pas initier un débat sur le rognage de souche et autres « préparations en pépinière ». Seuls les gens de terrain pourront faire avancer le sujet au bénéfice des arbres.

Cumul de la pluviosité mensuelle, Uccle, Belgique, Institut Royale météorologique. (l/m2 ou mm)

Pour aborder le climat, et surtout ne plus le considérer comme « une constante stationnelle »,  afin de pouvoir répondre à la question : « l’arbre a-t-il eu suffisamment à boire et donc à manger ! »

  • L’arbre fait peu de cas de l’année civile. Reprendre les données mensuelles des précipitations ( l / m2 ou mm) d’octobre à septembre de l’année suivante donnera, par la suite, un regroupement possible pour 6 mois sans feuilles, 3 mois jeunes feuilles et 3 mois vieilles feuilles.
  • Présenter les données en cumulant les mensualités (o ; o+n ; ond….). Pour nos régions, surligner en jaune dès que le cumul atteint les 300 mm et en bleu 800 mm et plus. Ce simple tableau fait déjà ressortir le bloc des années 1977-88 ; les sécheresses des années septante et nonante ; les extrêmes de 1975/76, 1995/97, 2016/17 ; l’illusion des années pluvieuses à cause des pluies d’orages  … ;
  • Retirer les pluies d’orage serait un plus qui modifiera l’aspect général du tableau ; ne laisser que 20 mm. (Il peut y avoir un 13ème mois en 24h dont l’arbre bénéficie trop peu) !
  • Rechercher les corrélations avec d’autres données concernant l’agriculture ou la santé. Corrélations avec retards variables car, après tout, le bouton n’est qu’un bourgeon métamorphosé et son devenir fixé 8 mois avant l’allergie de pollen !  De plus, la santé de l’arbre (via ses réserves et donc sa possibilité de réagir) est effacée, rétablie ou aggravée par les années antérieures !!!
  • Inclure les vents du Nord-Est secs, desséchants et difficiles pour tous !!! …
  • Les climatologues considèrent qu’on se trouve en période de sécheresse lorsque les précipitations mensuelles, exprimées en millimètres, sont inférieures au double de la température moyenne mensuelle, exprimée en degré Celsius. Ce sont les diagrammes ombrothermiques de nos cours de géographie !
  • Pouvoir proposer un traitement standard des données météorologiques par région serait un plus pour les arbres de ville notamment et obligerait une observation des sujets. Pouvoir proposer « un indice santé-arbre : l’indice Jupiter », et des cartes de vigilance, fera plus que les abattages sous prétexte de maladie contagieuse !

Ce tableau, même imparfait (pluies d’orage) est un outil de réflexion que parce qu’il aborde le temps-long de l’arbre. Il couvre une cinquantaine d’années. La sécheresse de 1976 se fit sentir dans les pâturages, mais les arbres la subissaient depuis 1970 !

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[1] Ces pages viennent compléter le bon article de Bernard Boutte, adhérent Sud-Est, dans le n° 86 de La lettre et font référence à un article de 2012 de mon site « plantearbre ».

[2]  Les moyennes mobiles sur 3 et 8 ans, m’ont été suggérées par Christian Bonnefoi, arboriste depuis plus de 20 ans dans la région de Lyon. Elles tiendraient compte du « temps de l’arbre ».


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