[Par Josiane Marquet – Compte-rendu d’un exposé de Micheline Zanatta]
Ah,
le capitalisme ! Pas facile à définir ! En simplifiant
très fort, nous pourrions dire qu’il repose sur la notion de
propriété privée, d’abord individuelle, sur la possession privée
des moyens de production, la recherche du profit et l’accumulation
du capital.
Dans le processus de production industriel, la
plus-value est la différence entre la valeur tirée d’une quantité
de travail donnée et ce qui est payé au travailleur pour entretenir
sa force de travail : c’est la source principale des profits
accumulés par les capitalistes.
Il a une dimension à la fois
politique, économique et éthique. Mais sa relation à l’Etat est
ambigüe : Il peut apprécier une démocratie, même sociale,
tout comme des régimes fascistes ou dictatoriaux.
Origine et
premiers développements:
Les premières occupations privées de la terre remontent au néolithique, lorsque les hommes se sont sédentarisés. En Europe occidentale, du 11e siècle jusqu’en 1789, la terre, dans une société féodale, appartient à la noblesse et au clergé. Les serfs travaillent la terre dans le cadre du domaine. S’il y a « surtravail », les plus-values ainsi créées sont accumulées par les, propriétaires (nobles et institutions ecclésiastiques)
On
voit émerger les premiers frémissements du capitalisme à
proprement parler, du 10e
au 13e
siècle, par le développement
du commerce
et la naissance
des villes.
C’est
en Italie que se développent les premières banques, avec les
premiers prêts et emprunts qui serviront aux échanges, ainsi que
les premières Bourses et les premières compagnies commerciales.
Apparait le mot ‘Capital’.
Après avoir été interdite par l’Eglise au moyen âge, l’USURE est à nouveau acceptée suite au changement de mentalité. Dans le contexte de la Renaissance, grâce aux nouvelles techniques, les premiers navigateurs au long cours explorent les côtes africaines, les Indes et les Amériques et les nations colonisatrices (Espagne, Portugal, Hollande, France, puis surtout Grande Bretagne) vont imposer leur hégémonie sur les mers. D’emblée, le capitalisme se nourrit de pillages et d’exploitation. Une des caractéristiques de cette période est le « commerce triangulaire » : les navires quittent les ports d’Europe, chargés de liqueur, d’armes et de babioles ; dans les comptoirs sur les côtes africaines, ces produits de peu de valeur sont échangés contre des esclaves ; de là, les navires traversent l’Atlantique vers les colonies, qu’on appelait ici Nouveau Monde. Les Africains qui arrivent en vie sont alors vendus pour travailler dans les plantations. Le troisième côté du triangle ramène ces navires chargés des biens produits dans les colonies.
Le commerce prospère et permet le développement des Bourses, notamment celles d’Amsterdam et de Londres.
À la même époque, en Grande Bretagne, nous assistons au phénomène des « enclosures ». Jusqu’au 16e siècle, existaient les « biens communaux » : chacun pouvait se servir des différentes ressources pour son usage propre. Vu que cette façon de procéder ne rapportait peu aux nobles en regard des profits qu’ils pouvaient tirer de la vente de la laine, ceux-ci décident de regrouper les terres pour y faire paitre des moutons. Cette privatisation des terres est approuvée par le parlement. Dès lors, les paysans deviennent une main d’œuvre nombreuse et bon marché pour les premières usines textiles (mills), qui se développent grâce à la Révolution industrielle. Les techniques se développent ; des manufactures augmentent la richesse des pays mais nullement celle des populations. La bourgeoisie (tiers-état, commerçants, paysans), née sans privilèges, va s’enrichir.
Les sources d’énergie vont évoluer : du simple moulin, on passera à l’énergie hydraulique, du charbon de bois à la houille exploitée dans les mines. Notons ici d’ailleurs que dès la moitié du 19ème siècle, donc avant la colonisation du Congo, la Belgique était la deuxième puissance mondiale, économique et industrielle.
Le capitalisme industriel, qui va enrichir la classe bourgeoise, n’a pu se développer que grâce à de nouvelles techniques, de nouvelles sources d’énergie et l’apport de capitaux assurés par les colonies.
Comment
trouver toujours plus d’argent ?
Depuis la renaissance,
on a créé des banques et des sociétés où investir.
Au 19e
siècle, on va créer des Sociétés Anonymes, qui distribueront des
parts du capital avec une organisation chapeautée par un CA pour
prendre les décisions économiques et financières.
La
concurrence entre Etats qui prévalait jusque-là s’étend
maintenant à une concurrence féroce entre Sociétés. Comment
régler cette concurrence ?
Tout d’abord, par des
concentrations horizontales,
fusions dedeux
activitésidentiques ;
cependant,il
sera encore plus profitable d’intégrer toute la chaine de
production par fusions verticales.
Le
19e
siècle voit l’épanouissement des banques, des Sociétés
anonymes, des fusions-concentrations, du capitalisme industriel et,
par corolaire, le triomphe de la grande bourgeoisie.
Quelles seront les conséquences du capitalisme au 19e siècle ?
Les
ouvriers, sous-payés, corvéables, réduits quasi en esclavage par
les capitalistes, découvriront une nouvelle forme de
misère. Les
valeurs
enseignées vont
évoluer vers un désir d’ordre, de respect de la propriété, de
la richesse, de la religion, de l’État. Mais aussi souligner la
supériorité de l’homme blanc et sa politique civilisatrice.
De
nouvelles idéologies prennent forme : le libéralisme,
qui prônait la liberté de penser se concentrera prioritairement sur
la liberté économique, la liberté de produire, et de circuler, au
service de la bourgeoisie ; en parallèle, des idéologies
sociales se développent, le socialisme
et
le marxisme.
Entre
1914 et
1940,
le
capital crée de nouvelles technologies et de nouvelles industries.
Le transfert de richesses à partir des colonies se poursuit à un
rythme accéléré. À certains égards, les guerres elles-mêmes ont
été facteur de progrès.
Certains patrons augmenteront les
salaires de leurs ouvriers afin qu’ils puissent consommer (Ford).
On voit ainsi de petits progrès sociaux, notamment grâce à la peur
du communisme, qui crée un rapport de force favorable aux
travailleurs. Néanmoins, la surproduction conduira à des bulles
financières et au crash boursier de 1929. Alors qu’aux États-Unis,
l’État sous la présidence de F D Roosevelt, met en place le New
Deal,
une politique interventionniste de grands travaux, et de régulation
des banques, ce qui fait baisser le nombre de chômeurs, en
Europe, c’est la misère et ses conséquences sociales, une crise
de la faim. En Allemagne pointe la montée du
nazisme
tandis qu’en Italie, le pouvoir est aux mains des fascistes.
Ces
crises se terminèrent par un nouveau conflit mondial
De 1945 aux années 2000
La guerre a largement profité aux USA et au Japon. L’Europe doit relancer l’économie.et décide de régler les problèmes de manière internationale en créant la C E C A. Comme il faut de plus en plus de charbon et que les Belges ne veulent plus descendre dans les mines, la Belgique par contrat, fait venir des travailleurs immigrés.
C’est
aussi la période des décolonisations. Notons que la Grande
Bretagne, tout en accordant une indépendance formelle à ses
colonies, gardera des relations étroites avec le Commonwealth. En
1960/ 61, il y aura chez nous de grandes grèves et manifestations
suite aux restrictions liées à la perte du Congo.
Jusqu’en
1973 environ, l’Europe bénéficiera cependant d’une croissance,
qui se traduit par davantage de bien-être pour les populations.
Cette embellie sera hélas suivie de profondes mutations avec
l’arrivée du « néo-ou–ultralibéralisme ».Deux
économistes de l’Ecole de Chicago sont à la manœuvre :
Friedrich Hayek et Milton Friedman, qui influenceront notamment les
politiques de régression sociale de Ronald Reagan aux USA et de
Margaret Thatcher en Angleterre. Les maitres-mots en sont :
Marché et Dérégulation. Le néo-libéralisme prône
l’internationalisation du capital et la mondialisation du
capitalisme, ce qui entraîne l’uniformisation des modes de vie.
Voici le capitalisme
financier.
Le
début des années
2000
a vu des mutations profondes. En plus des délocalisations
qui
avaient déjà bien commencé à la fin du 20e
siècle, on remarque, après chaque crise, des concentrations
de plus en plus puissantes du capitalisme, et l’obsolescence en
Europe des industries traditionnelles. C’est le début de la fin de
la prééminence occidentale. Sur le marché, apparaissent de
nouvelles puissances, telles la Chine, l’Inde. Nous assistons à
une nouvelle prolétarisation de la société.
Les inégalités
s’accroissent, entre travailleurs, entre pays, et les
contre-pouvoirs perdent de leur influence. On continue à privatiser
à tout va, des Services Publics (par dé-financement) au vivant
(brevets), et aux ressources essentielles (terres, eau, biotope..)
jusqu’aux fonctions régaliennes (battre monnaie, police, justice,
tribunaux, armée) qui sont la base d’un Etat.
En
fait, la
logique du capitalisme
est d’abord la croissance,
pour le meilleur et pour le pire. On pourrait le caractériser par
l’équation « créations, croissance / crises,
destruction ». En commençant par le bouleversement des
valeurs.
Le capitalisme ne produit pas pour répondre aux
besoins
mais par rapport à la solvabilité des consommateurs. Il produit (ou
spécule) pour un rendement maximum, sans se soucier de facteurs
sociaux et écologiques. Ajoutons à ce constat, comme au « bon
vieux temps des colonies », le pillage des ressources dans les
pays dits « en voie de développement », les massacres et
le retour de l’esclavage (Afrique, Asie..), sans compter la
recrudescence d’attitudes qui ne peuvent qu’être néfastes à
une société harmonieuse, telles le fanatisme religieux, le racisme,
la xénophobie et le nationalisme.
La démocratie (« le pouvoir par et pour le peuple ») est bien en peine de s’exercer encore quand on sait que les capacités financières de certaines multinationales dépassent souvent le budget des États…