Devoir d’intégrité, au risque de sa peau
[Daniel Puissant]
En poste chez UBS France à Paris, Stéphanie Gibaud a joué un rôle décisif en dénonçant dès 2008 les pratiques de blanchiment de fraude fiscale en bande organisée de son entreprise.
À travers des exemples concrets, elle détaille la vie d’une cinquantaine de lanceurs d’alerte et les raisons pour lesquelles certains pouvoirs en place veulent leur peau. Yasmine Montarjemi, ex-manager chez Nestlé, résumait bien la position des employeurs vis à- vis de leurs cadres dénonçant des actes illicites : « Démissionne, boucle-la ou crève ».
Dans les domaines qui tiennent de la santé, des laboratoires pharmaceutiques, de l’agroalimentaire, de l’énergie, de l’industrie, de l’Administration, des dossiers honteux ont été mis à jour grâce à des hommes et des femmes qui n’ont pas voulu cautionner des pratiques illégales, malhonnêtes, contraires à leur éthique personnelle et professionnelle(p. 28).
Stéphanie Gibaud démontre, exemples à l’appui, que le droit français protège la corruption et non les citoyens. Notons toutefois de courageuses décisions de magistrats intègres, comme celles de débouter Apple dans son procès contre ATTAC ou de relaxer Nicole Briend, contre laquelle BNP Paribas Fortis avait intenté un procès.
Dans un chapitre consacré aux Etats-Unis, l’auteur évoque le procès de Raoul Weil, numéro trois d’UBS et soupçonné d’avoir organisé l’évasion fiscale de 20.000 clients américains, qui se solda par son acquittement ! En même temps, le fisc étasunien rémunère les lanceurs d’alerte – comme Bradley Birkenfeld, ex-collaborateur d’UBS – qui travaillent avec lui. Ainsi après avoir passé une trentaine de mois derrière les barreaux, il aurait encaissé à sa sortie un chèque de 104 millions de dollars ! (p. 156) Si l’industrie bancaire bénéficie presque partout dans le monde d’un régime d’impunité, c’est en raison des relations incestueuses entre cette industrie, la justice et les dirigeants politiques. Par exemple, les dons faits par UBS à la fondation Clinton se sont accrus après que l’ex-secrétaire d’Etat Hilary Clinton eut à gérer le scandale de fraude fiscale de la banque suisse (p. 157).
Du fait de la corruption des dirigeants, ce n’est naturellement pas d’eux qu’il faut attendre la solution en termes de transparence.
Défendre les intérêts des multinationales est l’un des business les plus lucratifs au monde. Par contre, défendre une cause, défendre le citoyen et l’intérêt général face au mensonge organisé est un acte de courage, encore trop rare.