(Pittsburgh – 24/25 septembre 2009)

 

Aux co-présidents du groupe de travail du G20

« Renforcer la coopération internationale et promouvoir l’intégrité des marchés financiers »

M. Alejandro Werner, Ministre des Finances adjoint, Mexique

M. Jörg Asmussen, Conseiller ministériel / secrétaire d’état, Ministère des finances, Allemagne

 

Objet : Etapes à venir et décisions sur le secret bancaire et la justice fiscale

 

Nous vous écrivons ici au nom de Tax Justice Network (Réseau pour la justice fiscale), une coalition mondiale de militants, chercheurs et professionnels du secteur, inquiets des effets négatifs dus aux paradis fiscaux, à la concurrence fiscale exacerbée et au secret “offshore”.

 

L’année dernière, l’attention que le G20 avait portée à ces sources d’inquiétude nous avait réjouis. Le sommet de novembre 2008 à Washington avait demandé aux autorités fiscales de “poursuivre leurs efforts pour promouvoir l’échange d’information en matière fiscale et mettre un terme au manque de transparence.” Le sommet d’avril 2009 à Londres déclarait que l’ère du secret bancaire est révolue et reprenait à son compte un ensemble de mesures à utiliser contre les juridictions qui ne se conforment pas aux normes internationales en matière d’échange d’information.

Le sommet d’avril promettait aussi que le G20 élaborerait des propositions afin d’aider les pays en développement à bénéficier d’un nouveau contexte de coopération fiscale avant la fin de l’année.

 

Le plus important est peut-être que par ces démarches, le G20 a attiré l’attention du public sur l’importance cruciale du problème créé par les paradis fiscaux. Il a donné ainsi à cette question une priorité sans précédent au niveau mondial. Nous nous réjouissons de tous ces efforts et vous encourageons à les poursuivre lors du sommet de Pittsburgh.

ETAPES A VENIR

Plus spécifiquement nous pensons que les points suivants méritent de votre part la plus grande attention.

1. L’échange automatique d’information (AIE, Automatic Information Exchange). Il est grand temps que le système international dépasse les lourdeurs et les lenteurs d’un système d’information à la demande afin de renforcer les mécanismes de recettes, de recouvrement et de sanctions au niveau fiscal.

Les pays riches ont déjà bien avancé dans cette direction. Ainsi à la fin des années nonante, l’Union européenne a adopté une version de l’AIE pour certains revenus de l’épargne. Elle a récemment proposé de l’étendre à d’autres types de revenus.

Un échange d’information bilatéral et automatique existe déjà entre les Etats Unis et quelques pays de l’OCDE. Enfin l’OCDE s’est aussi engagé fortement dans le développement des normes administratives et des techniques nécessaires au fonctionnement de l’AIE.

Aujourd’hui, sous l’effet de la récente crise financière, il devient évident que l’évasion fiscale et les déficits budgétaires en plein essor sont vraiment des problèmes mondiaux. Par conséquent, des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour demander que l’échange automatique d’information ne se limite pas aux pays industrialisés mais s’appliquent également aux PVD. Comme le faisait remarquer la commission Stiglitz aux Nations Unies :

Le développement efficace de systèmes de taxation au niveau national est un élément essentiel du financement local du développement. Pour atteindre ce résultat, il faudrait que tous les pays acceptent un amendement à l’article 26 du modèle de convention des Nations Unies concernant la double imposition entre pays développés et pays en développement afin de rendre automatique l’échange d’information.

Nous pensons donc qu’une initiative visant au partage automatique d’informations serait un des meilleurs moyens que le G20 pourrait mettre en oeuvre pour « aider les pays en développement à bénéficier d’un nouveau contexte de coopération fiscale. »

 

2. Combattre l’évasion fiscale des sociétés au niveau mondial.

Nos recherches les plus récentes montrent le rôle central, à l’encontre de toute justice fiscale, que jouent les pratiques agressives de manipulation de prix (transfert de prix) à l’intérieur des entreprises multinationales. Elles sont liées aux échappatoires présents dans le système mondial des paradis fiscaux.

Ce réseau de paradis fiscaux s’est fortement développé. Ces pratiques représentent donc une des sources principales de pertes en recettes fiscales pour les pays développés et en développement.

Pour les combattre, nous recommandons au G20 de prendre un rôle directeur pour :

  • Insister pour que les normes comptables internationales soient améliorées et imposent aux sociétés multinationales des bilans détaillés et transparents pays par pays ( Country-by-country report ).
  • Encourager les gouvernements à fournir les informations fiscales et douanières nécessaires à l’évaluation, par des organismes publics compétents de surveillance, de la transparence et des bases économiques sous-jacentes aux pratiques de prix de transfert.
  • Encourager les efforts de l’ONU, de l’OCDE et d’autres pouvoirs publics pour développer une approche unitaire/consolidée de la fiscalité des entreprises au niveau international.

 

3. Un autre ensemble de mesures essentielles – l’industrie mondiale des paradis fiscaux. Une des leçons principales que nous avons tirées de l’analyse des paradis fiscaux sur des décennies, c’est que la plupart des abus ne sont pas le fait du comportement propre à quelques tricheurs, des juridictions non-coopératives, ni un jeu pratiqué par des amateurs. Il y a là derrière, toute une activité mondiale extrêmement lucrative au service de laquelle nous trouvons les meilleurs banquiers, juristes, experts comptables et promoteurs financiers que l’on peut acheter avec de l’argent. Nous ne parlons pas ici des millions de petits épargnants du monde entier. Cette activité fort bien payée, se concentre dans moins de douze centres financiers des pays industrialisés, auxquels il faut ajouter les quelque 60-70 paradis fiscaux offshore. L’un dans l’autre, cette industrie emploie probablement près d’un demi-million de personnes.

Mais ce demi-million jouit d’une influence considérable. Pour lutter efficacement contre cette industrie mondiale, il faut un nouvel ensemble de mesures visant à sanctionner les juridictions non coopératives mais aussi les cabinets d’avocats, les sociétés d’audits, intermédiaires financiers et principaux professionnels de cette industrie de l’ « injustice fiscale » mondiale, qui refuseraient de coopérer.

Vu les moyens dont dispose le G20, on peut envisager différentes manières de faire. Une des plus simples serait de rendre obligatoire des codes de conduite stricts, valables pour les intermédiaires financiers, cabinets d’avocats et comptables afin de les empêcher de favoriser et de faciliter la fraude et l’évasion fiscales.

 

RẾSUMẾ

Cette lettre est évidemment un bref résumé des réflexions et suggestions de TJN. Nous serions heureux d’avoir l’occasion de vous rencontrer afin de nous en entretenir davantage et de vous faire part de l’état de nos recherches.

Nous tenons encore à répéter que nous sommes heureux de la progression du G20 sur la question des paradis fiscaux, qui a eu pour rôle d’attirer l’attention du public sur cette question capitale.

 

Dans l’attente de pouvoir vous aider à créer cet élan indispensable, nous vous prions de croire, Messieurs, en nos sentiments respecteux,

 

Jack Blum, vice-président de Tax Justice Network-USA

John Christensen, secrétaire international de Tax Justice Network

 



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