D’excellents articles dans le numéro de novembre 2025 du Monde diplomatique, dont plusieurs dénoncent la méconnaissance de l’histoire.
Ainsi l’article de Pierre Rimbert, « Docteure Folamour à Bruxelles », rappelle que l’Estonienne Kaja Kallas, haut commissaire pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, « une guerrière et non une ambassadrice », « russophobe rabique », est la fille d’un habile politicien, qui a commencé sa carrière en tant que planificateur soviétique, puis, à la chute de l’URSS, a piloté « la transition monétaire à la tête de la banque centrale » de son pays, fondé un parti pro-entreprises et s’est retrouvé commissaire européen.
Celui d’Hélène Ricard, « L’OTAN, de l’Atlantique à l’Oural », retrace l’évolution des relations entre l’Alliance atlantique et la Russie depuis les prémisses de la réunification allemande. Reprenant les données déclassifiées reprises dans l’ouvrage de Mary Elise Sarotte, Not One Inch. America, Russia and the Making of a Post-Cold War Stalemate (2021), il trace les reculades successives de la Russie. Souvenons-nous, elle a fait partie du G8, avant qu’il ne redevienne le G7, elle aurait d’ailleurs voulu intégrer l’OTAN, à défaut elle exigeait l’assurance que l’alliance, censée être défensive, ne s’établirait pas plus à l’est. Or avec l’adhésion des pays baltes, elle se trouve à la frontière même de la Russie. La possibilité que l’Ukraine en fasse également partie était perçue comme une menace immédiate. Ce parcours des quarante dernières décennies est désolant d’occasions ratées.
L’article de Julia Haes et Klaus Mühlhahn, « L’Histoire chinoise à la moulinette », s’inscrit en faux de la tendance actuelle à ne plus rien vouloir savoir du rôle joué par l’URSS et la Chine dans la victoire finale contre le nazisme allemand et l’impérialisme japonais. Il réfute l’allégation que les communistes chinois ne se seraient pas pleinement engagés dans la lutte contre les troupes d’occupation alors que leur organisation de la guérilla dans les campagnes a été déterminante.
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Post-scriptum:
Et il y a l’histoire en train de se faire, que le « Diplo » ne ménage pas.
Ainsi, Francesca Bria signe un remarquable « Le coup d’État de la tech autoritaire », sur-titré « Des fonctions régaliennes capturées par le privé » :
Une nouvelle puissance se cristallise à Washington. Plus pressée, plus idéologisée, plus privatisée que tous les complexes militaro-industriels antérieurs, la tech autoritaire ébranle les fondations de la démocratie comme jamais cela ne s’était vu depuis les débuts du numérique. La Silicon Valley ne se contente plus de produire des applis ; elle bâtit des empires.
Tandis qu’Evgeny Morozov, connu pour ses analyses au scalpel des nouvelles technologies, livre « La souveraineté comme marchandise américaine », où il montre par le menu l’énormité des sommes investies autour de ladite intelligence artificielle, et la soumission des États, notamment européens, aux grandes firmes étasuniennes, sous l’illusion de s’assurer une maîtrise des données nationales. D’où le sous-titre « Entre bulle financière et arme géopolitique »…
Quant au contre-exemple chinois d’une souveraineté des données choisie et assumée, il donne à penser.


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