Roxanne Dunbar-Ortiz, Contre-histoire des États-Unis¸ traduction et préface de
Pascal Ménoret, Wildproject, 2018, 329 p. – Compte rendu.
Le titre de l’original anglais (2014) est plus explicite : An Indigenous Peoples’ History of the United States. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, montrer que les États-Unis d’Amérique sont une colonie de peuplement fondée, comme presque partout, sur le génocide des populations autochtones.
Après Une Histoire populaire des États-Unis d’Howard Zinn (1980) et avant L’Impérialisme de la liberté d’Osumu Nishitani (2022), ce livre met en cause le récit mythique de la nation conquérante investie d’une mission civilisatrice de droit divin. L’historienne montre combien les peuples indigènes de ce double continent avaient développé des sociétés complexes, bien plus égalitaires et démocratiques que ce qui existait en Europe, infiniment plus soucieuses de l’équilibre écologique. Les envahisseurs, eux, forts de leur élection divine, peu importe s’ils étaient de riches marchands ou des migrants obligés de s’engager pour payer leur traversée, ont mis au point des tactiques de guerre totale : s’en prendre en priorité aux non-combattants, femmes, enfants et vieillards, tuer, violer, piller, brûler, raser, massacrer les bisons, organiser la famine, déplacer et déplacer encore, jusqu’à saper l’envie même de vivre. Une autre arme redoutable employée un peu partout par les colonisateurs est l’alcool fort.
L’historienne détaille l’avancée sanglante des colons et de leurs milices et les mouvements de résistance autochtone. Elle dénonce cet autre mythe forgé ou conforté par Cooper dans Le Dernier des Mohicans (1826) : le noble Indien meurt de mort naturelle et transmet sa terre et son savoir à son fils adoptif, qui est évidemment un colon blanc.
Elle nous rappelle qu’Obama nie la réalité coloniale de l’histoire de son pays, que Walt Whitman est un chantre de l’impérialisme étatsunien, que la « conquête de l’Ouest » n’avait rien de prédestiné, que les États-Unis, indépendants depuis à peine vingt ans, cherchaient déjà à envahir le Mexique en même temps qu’ils envoyaient des marines à Tripoli.
Les méthodes de « guerre indienne » ont été employées à de nombreuses reprises par les États-Unis tant pour réprimer des mouvements de travailleurs à l’intérieur de leurs frontières que pour aller « sauver » des pays dont ils souhaitent s’assurer le contrôle, pour des raisons stratégiques et/ou économiques. Au fil des pages le même scénario sanglant se reproduit, abondamment documenté. La nausée, indignée mais lasse, fait écho à ce que ressentent les spectateurs devant les destructions de maisons en Cisjordanie dans le documentaire oscarisé No Other Land (2024), ou le lecteur de rapports devant les méthodes d’extermination-nettoyage pratiquées par Israël à Gaza. Ce sont bien les mêmes procédés, les mêmes prémisses, la même finalité.


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