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Accord de Pâques - Arizona

« Accord de Pâques », sauce Arizona

[Illustration : « Arizo-naze » Photo CC BY-NC-SA Inter-Environnement Bruxelles]

Bonjour !

Nous lisons dans la presse de révérence : « Le gouvernement fédéral belge a conclu une réforme de grande ampleur dans la nuit de vendredi à samedi [11-12 avril], qualifié d’« historique » par plusieurs membres de l’exécutif. Cet « accord de Pâques » s’inscrit dans le prolongement du plan « Retour au travail » et vise une transformation profonde des règles concernant le chômage, les pensions et les malades de longue durée.
L’objectif affiché est clair : atteindre un taux d’emploi de 80 % d’ici à la fin de la décennie. »

Dit autrement : « Le gouvernement fédéral belge, sous la coalition Arizona, a récemment annoncé un accord ambitieux mais controversé: l’accord de Pâques. Ce plan, qui touche des domaines aussi sensibles que les pensions, les fins de carrière et la santé, a provoqué une onde de choc dans le paysage politique et social du pays. » (Fediplus, asbl spécialisée dans les trois systèmes de retraites).

Que dit l’« accord de Pâques » de l’Arizona ?

Il comprend des mesures très diverses. Certaines peuvent sembler favorables à la lutte contre le dérèglement climatique, mais sont bien trop timides pour produire de véritables effets (une augmentation de la taxe sur les billets d’avion, la hausse de la TVA sur l’installation de chaudières à carburant fossile). Faut-il se réjouir de la diminution du taux de TVA à 6 % pour démolir et reconstruire ? Il s’agit sans doute de reconstruire selon des normes d’isolation plus strictes, mais c’est quand même démolir.

Par ailleurs, pratiquement toutes les mesures fiscales annoncées vont contribuer à un sous-financement encore plus grave de la sécurité sociale : dispense de cotisations patronales pour les entreprises, à hauteur d’1 milliard d’euros, exonération d’impôt pour les flexi-jobs augmentée de 50 .% (part exonérée passant de 12.000 à 18.000 euros) ; libération, moyennant amende, de cotisations non payées par des indépendants. Sans nous livrer à un examen complet de ces jobs qui offrent beaucoup de flexibilité aux employeurs, et quelques échappatoires au financement de la sécurité sociale, il suffit de lire un petit résumé de la Rtbf-Actus pour constater qu’on les aime surtout du côté de l’entreprise et des classes moyennes, et très peu du côté des organisations de défense des travailleurs.

Alors que l’annonce de la limitation dans le temps du versement des allocations de chômage est confirmée, une nouvelle « déclaration libératoire unique » est programmée pour le 1er juillet : les contribuables devront payer le taux d’imposition qui aurait dû normalement s’appliquer, augmenté d’une amende de 30 points de pourcentage ; si des capitaux sont fiscalement prescrits (dépassement du délai d’imposition par l’administration fiscale), ils pourront être régularisés moyennant le paiement d’une amende de 45 % du montant régularisé.

Il n’est toujours pas question de taxer les plus-values boursières, une mesure pourtant effective dans la plupart des pays de l’Union européenne.

En quelques mots, tout va bien pour les plus riches tandis que les travailleurs sans emploi, les travailleuses précarisées, connaissent des conditions de plus en plus tendues, et que la misère déjà scandaleusement trop répandue s’étendra encore.

Quant à l’objectif déclaré, « atteindre un taux d’emploi de 80 % d’ici à la fin de la décennie », ce taux mesure la proportion des personnes de 20 à 64 ans qui travaillent effectivement. La formule se présente comme technique ou « réformatrice » et exclut toute considération sur les conditions de travail, de salaire ou de pension, accumulant indistinctement « temps partiel, durée déterminée, travail occasionnel, intérim, flexi jobs » au point que dans Asymptomatique.be la très expérimentée Bernadette Schaek le traite de « fétiche », soit d’un « objet auquel on attribue un pouvoir magique et bénéfique ».

Voici la synthèse de l’accord de Pâques de Julien Desiderio, secrétaire du Réseau pour la Justice Fiscale et Policy advisor chez Oxfam Belgique :

Quelques éléments décidés par l’Arizona pour l’« accord de Pâques » en matières fiscales et sociales

  • Limitation des allocations de chômage dans le temps.
  • Augmentation de la taxe sur les billets d’avion.
  • Passage à 21 % de la TVA sur les chaudières « fossiles ».
  • TVA réduite à 6 % pour la démolition-reconstruction (pour max 175m²).
  • Flexi-jobs : 18.000 euros exonérés d’impôts au lieu de 12.000 euros (si le travailleur n’est pas un pensionné).
  • À partir de l’exercice 2026, fin de la possibilité de déduire les intérêts payés sur des emprunts contractés pour acquérir un bien immobilier autre qu’une habitation propre.
  • Dispenses de cotisations patronales pour les entreprises, à hauteur d’1 milliard d’euros.
  • Augmentation du crédit d’impôt pour les indépendants. Avec la réforme, un indépendant augmentant ses fonds propres pourra bénéficier, dès cette année, d’un crédit d’impôt équivalant à 20 % de cette augmentation (contre 10% auparavant) et plafonné à 7.500 euros (au lieu de 3.750 euros).
  • Prolongation de la déductibilité des véhicules hybrides. Elle sera de 75 % jusqu’à fin 2027, puis diminuera pour disparaître en 2030.
  • Déclaration libératoire unique ou DLU en matière sociale, ou comment régulariser après des années les cotisations sociales non payées sans autre procès : l’avant-projet de lois fiscales prévoit de réinstaurer un système permanent de régularisation sociale pour les indépendants, qui entrerait en vigueur au 1er juillet, en même temps que la nouvelle régularisation fiscale DLU. Concrètement, les cotisations sociales non prescrites dues sur les revenus professionnels pourraient être régularisées après le paiement d’un prélèvement social complémentaire de 20 % de ces revenus professionnels.
  • Déclaration libératoire unique ou DLU fiscale :
    [Les contribuables résidents belges n’ayant pas déclaré certains revenus ont la possibilité de régulariser leur situation fiscale grâce à cette 5ème DLU. La 4ème déclaration libératoire unique a existé de septembre 2016 au 31.12.2023. C’est donc une quasi tradition belge qui semble recouvrir à la fois un aveu d’impuissance des services de contrôle, un cadeau à des justiciables qui éviteront les poursuites moyennant une amende dont ils décideront eux-mêmes si elle en vaut la peine, et une recherche aveugle si pas désespérée de rentrées fiscales ou sociales.]
    Les contribuables devront payer le taux d’imposition qui aurait dû normalement s’appliquer, augmenté d’une amende de 30 points de pourcentage. Si des capitaux sont fiscalement prescrits (dépassement du délai d’imposition par l’administration fiscale), ils pourront être régularisés moyennant le paiement d’une amende de 45 % du montant régularisé.
  • A priori, rien à ce stade sur la baisse de déductibilité fiscale pour les dons aux associations ni sur la taxe sur les plus-values.
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3 réponses à “« Accord de Pâques », sauce Arizona”

  1. Avatar de Guy Leboutte

    Une ligne de Julien Desiderio est tout de même dingue: « Dispenses de cotisations patronales pour les entreprises, à hauteur d’1 milliard d’euros. »

  2. Avatar de Annemarie
    Annemarie

    Toutes ces mesures, qui font payer aux moins bien lotis une dette qui n’est pas la leur, toutes ces mesures n’apureront même pas la dette!
    Le Bureau du plan vient de le dire dans sa dernière étude: les « retombées » en emploi sont largement surestimées.
    Tandis que l’ARIZONA va précipiter des milliers de citoyens dans la précarité, ceux qui devraient contribuer se voient exonérer d’une grande part de leur contribution.
    Chercher l’erreur!

  3. Avatar de Julien Desiderio
    Julien Desiderio

    De Standaard rapporte que le ministre du Budget (Vincent Van Peteghem) a émis un avis négatif sur la réforme de la taxe sur les plus-values proposée par le ministre des Finance (Jan Jambon)
     🔗 Meerwaardebelasting in de versie van Jambon dreigt in begin geld te kosten in plaats van op te brengen | De Standaard
    Selon Van Peteghem, la réforme pourrait coûter de l’argent dans les premières années au lieu d’en rapporter et creuser donc encore plus le déficit budgétaire. Cette perte s’explique notamment par deux mesures complémentaires incluses dans le projet de Jan Jambon :

    1️⃣ La réduction de la taxe sur les transactions boursières (TOB) de 2% à 0,7%.

    2️⃣ La suppression de la « taxe Reynders » qui est une taxe sur le patrimoine pour ceux détenant des fonds investis en obligations (et non pas une taxe sur les tickets de loterie 😉).

    📉 Ces deux mesures entraîneraient une perte de 200 millions d’euros de revenus en 2026. Et Van Peteghem estime que la nouvelle taxe sur les plus-values proposée ne suffira pas à compenser cette perte dans les premières années.
    Mais le ministre du budget pointe également des éléments du projet de loi du ministre des finances qui s’écartent des engagements pris dans l’accord de gouvernement et qui diminuent fortement le rendement potentiel de la nouvelle contribution :
    ❌ L’exonération pour les actions détenues depuis plus de dix ans;
    ❌ La possibilité pour les investisseurs de choisir entre la valeur d’acquisition ou la valeur au 31 décembre 2025 pour calculer la plus-value;
    ❌ Un régime favorable pour les personnes ayant un « intérêt significatif » (plus de 20% dans une société), défini de manière trop large;
    🟢 Ces mesures diminueraient fortement le rendement de la nouvelle contribution alors que l’accord de gouvernement ne prévoyait au départ qu’une exonération pour les premiers 10.000€ de plus-value.

    👨‍💼 👩‍💼 Mais l’inspection des Finances a également émis un avis négatif sur le projet de son ministre, soulignant que les estimations de recettes de la taxe sur les plus-values sont très incertaines et que ces recettes ne devraient pas être utilisées pour couvrir des dépenses structurelles, en raison de leur volatilité.

    💶 Selon une estimation du SPF Finances, une taxe sur les plus-values (avec exonération des 10.000 premiers euros) pourrait rapporter jusqu’à 1,25 milliard d’euros à pleine vitesse. Dont 697 millions d’euros proviendraient des 1% des contribuables les plus fortunés.

    Bonne journée,

    Julien Desiderio | Policy advisor

    Oxfam België/Belgique | Vier-Windenstraat 60 Rue des Quatre-Vents | 1080 Brussels,

    Belgium
    Cell +32 (0) 473 49 91 56
    http://www.oxfambelgique.be | info@oxfambelgique.be
    Oxfam Belgique se compose d’Oxfam-Solidarité et d’Oxfam-Wereldwinkels/FairTrade.
    Oxfam België bestaat uit Oxfam-Solidariteit en Oxfam-Wereldwinkels/FairTrade

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