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[Alimentation : ép. 3] Révolution néolithique ?

S’accrocher à une rupture entre paléolithique et néolithique ne nous permet pas de comprendre l’histoire de l’alimentation. Cette lecture ferme la possibilité d’entrevoir ce qu’auraient pu être d’autres systèmes, avec d’autres choix.1 Le passage d’une alimentation de cueillette à l’agriculture résulte d’un choix politique dont les humains ne pouvaient imaginer les conséquences à long terme. L’histoire de l’alimentation n’est pas linéaire, les différentes périodes avec leurs façons de fonctionner se sont entrelacées et influencées jusqu’à aujourd’hui où les mêmes questions se posent : comment nourrir l’humanité, comment réduire les inégalités ?

Paul Ariès postule qu’il existe trois grandes périodes et que la plus importante n’est ni le paléolithique ni le néolithique mais plutôt le mésolithique. Cette période plus favorable en termes climatiques permet une alimentation plus végétale et la règle de partage gouverne encore les relations humaines.

Nous trouvons donc déjà au mésolithique de la domestication végétale, animale et des grands festins. Les homos sapiens du mésolithique seraient les derniers chasseurs-cueilleurs, à ce moment on voit apparaître des villages semi-sédentaires et surtout les premiers espaces de stockage de nourriture, des silos et des greniers. Cette question du stockage est essentielle car c’est à partir d’elle que se développent inégalité et hiérarchisation. Face aux sociétés simples de chasseurs-cueilleurs le surplus est transformé en biens de prestige dans les sociétés complexes. Il en va de même pour les ustensiles de cuisine. On commence donc à exclure certain·es des grands festins : c’est l’invention des banquets discriminatoires. Plusieurs recherches s’intéressent aux raisons qui ont poussé certains groupes à accepter d’être exclus du festin. Pour Mary Douglas ce premier mouvement d’exclusion représente l’origine de la pauvreté moderne.

Revenons à notre révolution néolithique : le terme de révolution néolithique a été popularisé par Vere Gordon Childe, archéologue australien en 1925. Childe était engagé dans les mouvements de gauche et est venu en Europe car son engagement lui fermait les portes des universités australiennes. C’est un évolutionniste marqué par une volonté marxiste d’élucider les mécanismes à l’œuvre dans l’histoire, d’élaborer une archéologie causale sur des fondements matériels.2 S’il utilise le terme de révolution, c’est parce qu’au 19e siècle le progrès humain avait tendance à être considéré comme un facteur causal jalonné de ‘révolutions’3.

De nombreuses études se sont penchées sur les raisons qui ont poussé à l’adoption de l’agriculture, certaines ont été contredites rapidement tandis que d’autres sont toujours en question. Parmi celles qui ont été oubliées, citons la théorie de l’oasis (les groupes se sont rassemblés près des points d’eau), l’hypothèse des flancs vallonnés, l’hypothèse du festin (motivation d’exhibition ostentatoire)…

Plusieurs phénomènes favorables à l’agriculture ont été mis en évidence à cette période: une augmentation des températures, une qualité chimique différente de l’atmosphère, la disparition des grands animaux…

Longtemps la théorie dominante parmi les archéologues était un modèle matérialiste qui privilégie l’écologisme, soit des causes extérieures à l’humain (climatiques, écologiques, démographiques).

L’archéologue Jacques Cauvin s’est opposé à cette vision matérialiste et a développé une théorie qu’il a appelé la révolution des symboles : l’agriculture apparaît ainsi comme une solution pour créer de nouveaux rapports sociaux. Dès lors, pour J. Cauvin, l’agriculture serait davantage une forme d’adaptation de la société humaine à elle-même plus qu’à son milieu extérieur4.

Le débat n’est pas tranché et l’hétérogénéité des explications pousse à continuer les recherches.

La révolution néolithique n’est donc pas vraiment une révolution que nous pourrions comparer à la révolution industrielle, qui a eu lieu sur un temps court et dans un espace assez restreint. L’anthropologue Alain Testart a proposé une nouvelle vision dans laquelle « la révolution néolithique n’est ni une révolution, ni néolithique, parce qu’existaient déjà des sociétés de chasseurs-cueilleurs sédentaires, parce que ces sociétés pratiquaient un stockage alimentaire important, enfin, parce que ces sociétés non agricoles maîtrisaient des techniques (comme celle de la poterie ou du repiquage) qui ne seront mobilisées que bien plus tard »5.

Maintenant que nous avons émis ces restrictions, que désigne cette ‘révolution néolithique’ ? La révolution agricole représente le passage d’un mode de vie axé sur la chasse, la pêche et la cueillette à des sociétés qui pratiquent principalement l’agriculture. Cette agriculture se caractérise par la domestication de plantes et d’animaux dans plusieurs endroits du monde presque simultanément avec comme conséquences l’apparition de surplus, d’inégalités, de maladies, la pauvreté, l’esclavage et une moindre diversification alimentaire. Certains chercheurs font débuter cette période de -13000 à -11000, d’autres vers -8000.

Deux sites originels principaux sont pointés pour la domestication et la production alimentaire: le Moyen-Orient (amidonnier ancêtre du blé, orge, seigle, lentilles, pois et lin) et l’Asie du Sud-Est (riz, légumineuses et tubercules)6. On trouve aussi d’autres sites indépendants entre eux du fait des océans ou des déserts : dans les Andes et en Afrique subsaharienne. Plusieurs écoles interprètent différemment le Néolithique sur l’antériorité – ou non – de la sédentarisation. Mais on est sûr que les céréales ont joué un rôle sur la sédentarisation de certains groupes de chasseurs-cueilleurs au cours de la saison hivernale7. Nous savons aussi que la plupart des groupes ont coexisté pendant un moment et que les techniques d’élevage ont souvent été importées à d’autres groupes.

Par ailleurs, Jean-Pierre Digard, ethnologue et anthropologue français, insiste sur le fait que les animaux ont été domestiqués après les plantes bien que le chien, entré dans le giron de l’homme vers – 28000 (au Paléolithique), protégeait déjà les habitats humains vers -65008.

Les nantis et les démunis de l’histoire

Dans un chapitre du livre de Jared Diamond9, De l’inégalité parmi les sociétés, l’auteur s’interroge sur les inégalités de production alimentaire dans les différents endroits du monde. On ne s’étonnera pas que certaines zones plus hostiles n’aient connu ni l’agriculture ni l’élevage en troupeau comme l’arctique d’Amérique du nord ou des déserts tels que celui d’Australie centrale et certaines parties de l’ouest des Etats-Unis. Il pose une vraie question concernant l’absence de production alimentaire dans certaines régions très propices et qui comptent aujourd’hui parmi les centres d’élevage et d’agriculture les plus riches du monde. Il cite la Californie, d’autres Etats américains de la côte Pacifique, la pampa argentine, le sud-ouest et le sud-est de l’Australie, une partie de la région du Cap en Afrique.

Par contre, si nous retournons aux premiers centres de production alimentaire, nous remarquons que loin de constituer des greniers à blé ces sites comptent aujourd’hui des régions sèches ou écologiquement dégradées: l’Irak, l’Iran, le Mexique, les Andes, certaines parties de la Chine, le Sahel. Jared Diamond pose cette question : pourquoi la production alimentaire est-elle d’abord apparue sur ces terres apparemment assez marginales et plus tard seulement sur les terres agricoles et les pâturages actuellement les plus fertiles?

A suivre…

1 Aries P., Une histoire politique de l’alimentation, Max Milo, 2016

2 https://www.politika.io/fr/article/revolution-neolithique

3 Id.

4 J. Cauvin, 1978, Les premiers villages de Syrie-Palestine du IXe au VIIe millénaire av. J.-C., Lyon, Maison de l’Orient méditerranéen

5 https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volution_n%C3%A9olithique

6 Williot J-P, Fumey G., Histoire de l’alimentation, Que sais-je, 2021, p.6

7 Id.

8 Id.

9 Diamond Jared, De l’inégalité parmi les sociétés, Folio Essai, 2007, Trad. Dauzat P.-E.

Une réponse à “[Alimentation : ép. 3] Révolution néolithique ?”

  1. Avatar de NEMES Eric
    NEMES Eric

    Pour en savoir plus…??? Visitez le préhistosite de Ramioul.

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