[Compte rendu de la séance du 19 février 2022]

Espèces exotiques envahissantes :
de la science à la participation citoyenne.

Endogènes, exogènes, mauvaises herbes, envahissantes, invasives, nuisibles, toxiques,…comment s’y retrouver ? Pour savoir exactement de quoi on parle, Arnaud Monty nous précise finement la définition d’espèces invasives, telle que définie par l’Union Européenne.

Invasives ? Quelle définition selon l’UE (E E E) ?

Les espèces qualifiées d’invasives selon la définition de l’Union européenne (E E E) sont des plantes ou animaux, Espèces Exotiques Envahissantes, qui ont été introduite par le commerce mondialisé et se sont bien implantées dans nos milieux tempérés.

En fait, on repère des introductions de plantes exogènes depuis déjà le 16e siècle, dont certaines sont dites « naturalisées », c’est-à-dire qui forment des populations stables et se reproduisent efficacement sans l’aide de l’homme, comme le marronnier d’Inde, l’érable de Norvège, ou le chêne rouge d’Amérique, invasif, qui acidifie les sols. Ces espèces ont une forte dynamique d’expansion. Autre exemple, les coccinelles asiatiques, introduites pour lutter contre les pucerons, se sont parfaitement adaptées, et sont en dynamique d’expansion.

Attention cependant, toutes les plantes exotiques ne sont pas invasives mais chaque fois, l’Homme est responsable de leur arrivée, sciemment ou involontairement.

Invasives ? Quelles conditions ?

Tout d’abord, passer plusieurs barrières d’introduction : la barrière géographique grâce à l’intervention humaine, puis, la barrière environnementale, la barrière de dispersion, avec ou sans l’intervention de l’homme, la barrière du milieu naturel, ce qui signifie qu’elles trouvent des conditions de sol, d’air, de nourriture qui leur soient favorables, et que notre propre diversité végétale ou certaines niches écologiques n’empêchent pas leur invasion.
Ensuite, être « naturalisées », et s’installer par un mécanisme de dispersion et de reproduction naturelle dans ce nouvel environnement.
Elles se développent au mieux dans les milieux déjà perturbés par l’homme (bord des routes, talus, bords des rivières, travaux anciens…).
Sur les 12000 espèces exotiques répertoriées, seulement 10 à 15 % passent toutes les barrières et seront alors considérées comme problématiques suivant la définition de l’Union européenne (EEE) par les forts impacts qu’elles auront sur le milieu naturel.

Invasives ? Quels risques ?

Leur impact sur le milieu les fera entrer en compétition avec les espèces endogènes pour les ressources. Certaines espèces animales deviennent prédatrices et d’autres, animales ou végétales, peuvent amener des maladies à nos propres espèces (exemple, les écrevisses d’Amérique introduites intentionnellement, ont amené la peste de l’écrevisse, une parasitose spécifique…).

Les scientifiques ont observé de fortes modifications environnementale, car certaines plantes enrichissent le sol en nutriments et en modifient la nature.

Cette forte implication a comme répercussion, outre une modification des espèces, une homogénéisation de tous les écosystèmes à grande échelle.

Des exemples tels l’acacia robinier qui change la nature du sol, la petite fougère Azolla, lâchée des aquariums, qui recouvre les étangs ou la renouée du Japon la plus perturbante, qui, entre autres disséminations et dégâts, altère la qualité des sols. Sans oublier le si beau petit raton laveur et les oies du canada, le bel « arbre à paillons avec ses suspensions mauves ou blanches, les tous petits poissons qui tapissent la Meuse, un des fleuves les plus perturbés d’Europe.

Le risque, est que les espèces exotiques s’hybrident avec les espèces endogènes sans que nous puissions imaginer les résultats futurs sur le patrimoine génétique, les dégâts supplémentaires sur l’environnement et la santé humaine.

Ce risque d’invasion est reconnu comme une des cinq causes majeures de la perte de biodiversité. Cependant,on doit affronter un grand déni de la majorité de la population, des cercles économiques et politiques mais aussi des médias et même de quelques scientifiques.

Car si certaines espèces ne posent pas tous les problèmes, ou ne répondent pas à tous les critères E E E, il est dès lors difficile de croire que ces petits animaux si sympathiques, ces petites fleurs jaunes qui fissurent le béton, si belles, présentent un grand danger pour nos propres espèces.

La confusion du vocabulaire est en elle-même une source de déni.
Car bien souvent, ce n’est pas l’espèce qui a créé le problème, elle n’a fait que suivre la transformation d’un habitat déjà perturbé.

Ainsi de la Balsamine de L’Himalaya, dans les milieux humides perturbés, si grande avec ses jolies fleurs roses, qui conduit progressivement sa propre progression colonisatrice et modifie le terrain pour les espèces endogènes. En profitant du changement climatique, elle devient invasive, on dit que c’est une « passagère ».

Mais il y a des plantes exotiques qui transforment directement les paysages et les biotopes. Ce sont les espèces conductrices

Dans beaucoup de cas, il est déjà trop tard pour agir.
Les chercheurs ont calculé, par une courbe, le moment où la dynamique d’invasion a atteint son degré de saturation. C’est sur cette courbe, que l’on inscrit les moments les plus propices pour éradiquer ou réguler.
Pour simplifier, le Service Public de Wallonie a créé un cadre légal en 2016, avec un classement de 0 à 3 pour quantifier les impacts et les possibilités d’action, avec des listes grises à noires pour savoir SI, QUAND et COMMENT agir sachant que les impacts sont variables suivant les espèces.
Pour le moment, les scientifiques attendent de savoir comment vont réagir les populations lorsqu’elles auront atteint le plus haut niveau de la courbe et que leur évolution sera stationnaire.
Démunis contre certaines espèces, on s’occupe en priorité des nouvelles qui arrivent. Là encore on fait des choix, soit et /ou, on protège la santé des végétaux ou animaux, soit on réagit face à un impact sur l’agriculture, ou soit on sauvegarde autant qu’on le peut la biodiversité.
Il parait notamment trop tard pour intervenir de manière efficace contre la Balsamine de l’Himalaya.

Dans la liste noire, nous trouvons parmi les invasives les plus impactantes, entre de nombreuses autres, la berce du Caucase (santé humaine), la coccinelle Arlequin, l’Hydrocotyle ou fausse renoncule, le frelon asiatique, la balsamine perche oreille, ou encore l’Elodée à feuilles alternes en milieu aquatique dont on a bien répertorié les sites…

En liste grise, l’arbre à papillons, la perche soleil Lepomis, le chien viverrin, et le chèvre feuille japonais avec un feuillage plus luisant que le nôtre,……

Mais il existe aussi une liste à laquelle on ne penserait pas, c’est celle de nos « indigènes » qui deviennent «  exotiques invasifs » dans d’autres milieux !!
Et là, on trouve parmi celles qui s’en vont faire un tour impactant ailleurs, le chat domestique, la truite fario, la truite arc en ciel, la carpe, la salicaire, l’ajonc d’Europe, notre ragondin…
Chez nous, la protection de l’environnement et de l’agriculture se chevauchent alors que deux ministères distincts seraient plus efficaces.

Invasives ? Quelles préconisations ?

Tout d’abord, éviter l’introduction de ces espèces, de façon directe évidement mais aussi indirecte, et notamment des plantes contaminées comme des oliviers malades de la bactérie xylella ou des frênes infectés par les vers nématodes. C’est le rôle de l’AFSCA chez nous ou de l’EFSA pour l’Europe de vérifier les entrées volontaires ou indirectes.

Ensuite, faire de la prévention pour une éradication rapide en se référant aux espèces listées, ceci afin de n’être pas obligé de gérer des invasions trop rapides.
Si l’espèce n’est pas dans la liste il n’y a aucune obligation mais les Etats membres peuvent d’eux-mêmes ajouter des espèces à l’une ou l’autre liste.
Et dans certains cas récalcitrants, l’Union européenne permet d’obtenir des dérogations pour utiliser des pesticides, qui hélas, donnent peu de résultats.


Dès lors, prévoir des plans de gestion.
Ces plans de gestion, ponctuels, permettent seulement d’éradiquer un site bien précis avec force travaux dont des creusements profonds, et un enfermement des matières de manière extrêmement précautionneuse afin de ne pas disséminer les graines. C’est une méthode identique à celle pratiquée pour les sites contaminés par des produits chimiques.
Les terres ainsi encapsulées doivent rester à 50 degrés au moins pendant 5 jours et enfermées pendant des années.

Hélas, le plus grand risque de dissémination se fait silencieusement par des travaux sur des sites proches ou légèrement envahis ainsi que par les transports relatifs ou non à ces travaux.

Dans le cadre de sa gestion, la Région wallonne propose celle de la berce du Caucase par des équipes spécialisées. Aspect positif, celle-ci se gère vite et efficacement si l’on s’y prend avant la floraison.

Conserver des « zones sans », comme des réserves naturelles gérées, des zones Natura 2000, ou autres aires surveillées.

Mais prévention et gestion doivent prioritairement être gérées en amont, avant les invasions. C’est à ce niveau que peuvent intervenir les citoyens.

Néanmoins, la plupart de ces espèces ne posent aucun problème dans leur site naturel.


Invasives ? Participation citoyenne ?

Pour prévenir toute invasion, les particuliers doivent favoriser l’implantation d’espèces indigènes (non envahissantes) et ne pas acheter d’espèces exotiques qui se trouvent sur la liste grise et qui seraient encore en vente dans les jardineries ou animaleries, malgré le règlement de 2016.

Les citoyens quant à eux, peuvent observer, et surveiller l’arrivée d’espèces envahissantes s’ils ne les connaissent pas ou mieux, des invasives s’ils sont conscients des problèmes et dangers.

Pour les plus habiles, les services environnement de Wallonie proposent une application (observation.be) qui permet avec photos et précisions de lieux en temps réel, de prévenir les secteurs adéquats.

Quant aux autres, téléphoner pour présenter une photo, une description de l’espèce et du lieu de rencontre au service public de Wallonie à Namur contact gratuit 1718, à l’université de Gembloux Agro-bio-tech, 081622111 ou encore à Natura 2000 , 081335160.

Il est nécessaire d’éduquer les jeunes, dans les écoles ou dans des associations, tant au niveau de la biodiversité que de la santé. Certaines plantes, comme la berce du Caucase, peuvent effectivement provoquer de graves brulures.

Il est nécessaire d’être attentif à la nourriture que l’on donne aux oiseaux car celle-ci peut contenir des graines de tournesol mélangées à des graines d’Ambroisie dont le pollen est toxique. Les graines « bio » seraient même les plus infectées. Cette plante est arrivée dans des sacs contenant de mélanges de graines pour les oiseaux.

En effet, l’Ambroisie, considérée comme une « mauvaise herbe » est d’autant plus dangereuse qu’elle n’est encore inscrite sur aucune liste. « Mauvaise herbe », qui, dans les cultures de printemps, par l’action de son pollen allergisant, dispersé par le vent, envahit, de manière invasive, les champs de tournesol jusqu’aux champs de maïs aux alentours. Il est très difficile de s’en débarrasser.
C’est un danger tellement grave pour nos cultures que la région Wallonne, avec l’aide de Gembloux Agro-bio-tech a réagi en fournissant à tout un chacun qui voudrait s’investir un fascicule spécial : « l’Ambroisie à feuilles d’armoise : avis de recherche ». Il explique son arrivée d’Amérique au 19e siècle et permet d’encoder les observations afin d’agir au plus vite avant une invasion massive.
Pour tous, 081822826, 0wa@uliege.be.

En conclusion :

Les invasions biologiques concernent toutes les formes de vie et tous les écosystèmes.

Elles sont à la fois la cause et les conséquences d’un changement global, même si toutes les « invasives n’ont pas le même impact.

L’observation, la détection précoce et la prévention sont les seules stratégies de gestion.

Tout citoyen peut agir.


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