[Par Marianne Rathmes]

Gérard Noiriel, Le Venin dans la plume, Edouard Drumont, Éric Zemmour et la part sombre de la République (La Découverte 2019, 240 p., 19€)

En préambule, l’historien Gérard Noiriel compare le racisme à « un virus présent dans un organisme. Lorsque cet organisme perd son dynamisme
et s’affaiblit, le virus se développe ».
Éric Zemmour se fait le défenseur des Français dépossédés de leur identité et de leurs racines par des migrations de plus en plus envahissantes. Il défend la théorie du « Grand Remplacement » véhiculée par une extrême droite décomplexée et s’en prend aux historiens, dont il conteste les méthodes en affirmant qu’elles sont conçues pour faire plaisir aux étrangers.
Mais le thème principal du livre, c’est la comparaison entre le parcours et les méthodes utilisées il y a plus d’une centaine d’années par un journaliste-polémiste, Edouard Drumont, et notre contemporain Éric Zemmour.
Chef de file du camp antisémite à la fin du XIXe siècle, Edouard Drumont était issu d’un milieu populaire et croyait avoir « une revanche à prendre ». Un point commun aux deux polémistes selon Virginie Le Guay est « la conscience aigüe de leurs capacités intellectuelles, le sentiment d’être supérieur aux autres et un puissant orgueil ».
Rappelons qu’Éric Zemmour est issu également d’une classe populaire et d’une famille de confession juive originaire d’Algérie, donc de « migrants ». Devenu catholique, il se vante d’être le porte-voix de ces classes opprimées.
Edouard Drumont avait les juifs pour « fonds de commerce ». L’antisémitisme, qui débouchera sur la Shoah et les horreurs de la seconde guerre mondiale, peut de nos jours difficilement être le centre de la virulence de l’extrême-droite. Le communisme ayant « rendu les armes », il est inutile d’en faire un bouc émissaire.
Suite aux crises économiques successives, à la mondialisation et aux délocalisations qui ont privé beaucoup de travailleurs français de leur travail, l’ennemi était tout trouvé : ce seront les musulmans présentés comme un danger pour notre société, notre culture et nos racines, en un mot, notre ‘identité’.
« Éric Zemmour est d’accord avec son lointain prédécesseur pour considérer que ‘la religion catholique est le fondement de l’identité nationale française’ ». Sa vision de l’histoire de France contemporaine est réinterprétée à travers le prisme de son idéologie, en dehors de toute analyse critique.
Si Edouard Drumont n’avait que la presse écrite pour diffuser ses idées, Éric
Zemmour dispose également de médias audiovisuels qui sont loin de s’embarrasser
de considérations éthiques et ne cherchent que le « buzz » qui amènera les revenus de la publicité.
Pendant cinq ans, Éric Zemmour a disposé d’une tribune pour diffuser ses idées nauséabondes et se présenter comme un « rebelle », notamment dans l’émission « on n’est pas couché » de Laurent Ruquier. Il s’en prendra au féminisme, prétendant que « désormais ce sont les femmes qui détiennent le pouvoir ».
Il distingue d’une part les « héros » (Louis XIV, Napoléon, le Général de Gaulle,…) et les « faibles » ou « les traitres », dont Valéry Giscard D’Estaing, Chirac et les premiers dirigeants de la IIIe république « qui prennent leurs ordres à Berlin ». La relecture de l’histoire de la France inversera les rôles en faisant des dominants des victimes innocentes. Drumont avait comme ennemi « la juiverie », Zemmour aura « les milieux islamo-gauchistes ».
L’un et l’autre se présentent comme des rebelles contre les bien-pensants qui dominent la société.
À noter que des personnages tels que Drumont et Zemmour émergent souvent suite à des crises économiques, au moment où beaucoup perdent leur emploi ; il est alors utile de trouver un bouc émissaire !
Aujourd’hui, Éric Zemmour publie livre sur livre pour distiller sa haine et préparer sa campagne électorale, avec la complicité toute récente (ce 4 octobre 2021) de Michel Onfray !
Il est urgent de donner des armes à la population pour combattre ces idées mortifères pour notre démocratie. Nos médias dits « de service public » pourraient, s’ils en avaient le courage et la volonté, jouer ce rôle. On les attend avec des débats clairs où tous les partis sont invités.
Voir interview de Noiriel dans « Là-bas si j’y suis » (https://la-bas.org/la-bas-magazine/entretiens/zemmour-le-camelot-quelle-riposte).


  • Publié : 2 ans ago on 18 décembre 2021
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  • Dernière modification : février 18, 2022 @ 2:24
  • Catégorie : Livres

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