[Collectif liégeois de soutien aux sans-papiers]

Liège, octobre 2020

Madame, Monsieur,

Tout au long de l’année passée, vous avez soutenu de différentes manières (pétitions, manifestations, cartes blanches…) le combat que menait, avec de nombreuses autres associations en Belgique, le Collectif liégeois de soutien aux sans-papiers.

Ensemble, nous avons finalement obtenu que l’exigence d’une régularisation des sans-papiers, sur la base de critères clairs, évalués par une commission permanente, indépendante de l’Office des Étrangers, soit reprise dans les programmes électoraux des partis francophones, excepté celui du MR. Les échanges qui ont suivi avec ces partis et/ou leurs centres d’étude nous ont encouragé·e·s dans le même sens.

Comme vous avez pu le découvrir le 30 septembre, ce point a été totalement évacué de l’accord gouvernemental. Le nouveau gouvernement s’est donc constitué en faisant fi du sort de dizaines de milliers de citoyens et des revendications de leurs milliers de soutiens.

Mais il y a plus. Ce programme gouvernemental, confirmé dès le lendemain par le secrétaire d’État Sammy Mahdi, a aussi prévu l’expulsion d’un beaucoup plus grand nombre de sans-papiers, et dès lors la construction de nouveaux centres fermés, comme le voulait Theo Francken.

Cela signifie que les sans-papiers de Belgique sont à nouveau en grand danger. La destruction violente du lieu d’hébergement des personnes en transit à Tournai par la police fédérale ce 8 octobre en a d’ailleurs été le signal clair et immédiat.

Cela signifie aussi que dorénavant, les personnes sans-papiers, avec lesquelles nous faisons du théâtre, du travail syndical, des masques sanitaires, des occupations, des Sécus solidaires risquent d’être plus nombreuses à gagner la clandestinité.

Comment aller conduire les enfants à l’école ou demander l’aide médicale urgente, si on craint d’être repéré et arrêté ? La politique de retour exprimée dans l’accord de gouvernement et acceptée par l’ensemble de ses membres risque de mettre à mal les deux seules dispositions qui protègent les sans-papiers : l’obligation scolaire et l’aide médicale urgente.

Mais elle va aussi à l’encontre de la circulaire du 21/9/20 de la Région wallonne, prescrivant aux provinces et aux communes d’apporter abri, aide d’urgence sanitaire et alimentaire à toute personne en difficulté sur le territoire, quel que soit son statut de résidence, ainsi que le demandent les conventions internationales. Et enjoignant que soient soutenues les initiatives citoyennes qui vont en ce sens.

La constitution du gouvernement fédéral met fin à une longue période d’incertitude. Nous savons que cet accord présente certaines avancées sociales pour les citoyennes avec papiers, et c’est important ! Des améliorations dans l’accueil des demandeurs d’asile ont également été obtenues et c’était bien nécessaire.

Il ne sera sans doute pas facile, alors que c’est toujours aussi nécessaire, de réintroduire dans les priorités du nouveau gouvernement un projet de régularisation tel que nous le souhaitions. Ce que le CIRE a rappelé immédiatement dans une carte blanche.

Mais ce qui doit être fait de suite, c’est de s’opposer au projet inacceptable d’expulser plus de sans-papiers hors du territoire, c’est-à-dire hors du minimum de sécurité, de scolarité et de santé que ces personnes pouvaient trouver dans notre pays pour elles-mêmes et pour leur famille.

C’est un devoir éthique pour les partis qui se veulent progressistes dans ce gouvernement.

Et c’est un devoir politique par rapport à tous ceux et toutes celles qui les ont élus et soutenus.

Non, les sans-papiers que ce gouvernement veut expulser en masse ne sont pas des criminels, des récidivistes… Ce sont des personnes qui le plus souvent jouent, clandestinement, leur rôle dans notre économie et notre bien-être. Le minimum qu’on puisse faire, c’est de leur permettre de continuer à survivre à nos côtés tout en préparant leur inclusion définitive dans notre société dès que cela sera possible.

Nous vous demandons dès lors de réfléchir à tous les moyens que vous pouvez mettre en œuvre, selon vos capacités et vos responsabilités, pour empêcher la mise en pratique de cette décision injuste et inhumaine. Des interventions fermes venant des organisations syndicales, des mutuelles, des mouvements sociaux, mais aussi des milieux académiques, artistiques, culturels ou de la santé doivent montrer à celles et ceux qui nous gouvernent à présent notre refus d’une politique aussi déshumanisée.

Pas en notre nom !

Pour le Collectif liégeois de soutien aux sans-papiers

France Arets et Ingrid Falque


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