[CADTM – 9 juin – Gilles Grégoire]

Les soins de santé en Belgique : De la privatisation à la socialisation ?

Pourquoi peut-on affirmer que la santé est sous-financée ? Où est passé l’argent ? Comment la refinancer de manière juste et pérenne ?

Abstract

La présente étude s’inscrit dans le contexte de la pandémie de covid-19. Elle s’attache néanmoins à fournir une analyse plus large des enjeux structurels liés au financement des soins de santé et à soutenir des revendications qui y sont liées. Par ailleurs, il apparaît clairement que ces enjeux ont eu et continuent d’avoir un impact considérable quant à la gravité des conséquences de cette crise sanitaire.

Ces cinq dernières années, le budget santé des administrations publiques n’a augmenté, en moyenne, que de 0,67 % par an, ce qui est largement insuffisant pour combler l’augmentation des besoins de financement. Les facteurs de cette augmentation sont multiples et tendent pour la plupart à s’aggraver et donc à accentuer la pression de la demande en soin de santé. Ce sous-financement se traduit par des conséquences très tangibles sur la qualité des soins de santé et sur la pression exercée sur le personnel du secteur, ce qui se répercute in fine sur la santé publique.

Pourtant, le secteur public belge n’est pas plus pauvre qu’hier, au contraire. Le PIB, les recettes et les dépenses publiques ont augmenté continuellement depuis 1995. Cependant, une large part de ces dépenses ne bénéficie pas à la population. Outre les multiples dépenses critiquables que fait l’État chaque année, on observe que globalement, il n’y a pas de « transfert » structurel d’un poste de dépense à l’autre. Il ne s’agit donc pas de dire que l’argent de la santé a été utilisé à d’autres dépenses effectives. En revanche, le paiement de la dette publique engloutit chaque année près de 40 milliards d’euros d’argent public, soit 15 % du budget de l’État en 2018 alors que la santé ne représentait que 13 %. Or, l’essentiel de cette dette n’a pas servi à financer des investissements et des projets censés bénéficier à la population. Mais la dette illégitime n’est pas un problème seulement parce que son remboursement capte une part importante des ressources publiques mais aussi et surtout parce que celui-ci sert à justifier qu’on applique l’austérité et des réformes néolibérales.

Cette logique austéritaire impacte par essence le financement des services publics par l’État mais elle détruit également ce qui n’aurait pas du être à sa portée : la sécurité sociale et par là, l’accès aux soins de santé. Cette destruction a suivi trois étapes clés : D’abord, l’État s’est rendu indispensable dans le financement de la sécurité sociale et des soins de santé ; Ensuite, le patronat, puis l’État ont renié leurs engagements et organisé le « déficit » de financement de la sécurité sociale ; Pour qu’aujourd’hui, le secteur privé marchand prenne place partout où cela est rentable.

Dès lors, nous souhaitons proposer aux citoyen·ne·s et aux mouvements sociaux d’étudier les mesures structurelles suivantes – en plus de celles à prendre immédiatement pour faire face à la crise sanitaire et sociale, et celles portées par la santé en lutte et par la plateforme d’audit citoyen de la dette (ACiDe) :

  • L’audit des dettes publiques et leur répudiation si nécessaire.
  • Le refinancement du secteur des soins de santé et la socialisation de sa gestion. Il s’agit de reconnaître le secteur des soins de santé comme un bien commun vital. De ce fait, il doit être mis sous contrôle des citoyen·ne·s, des travailleurs/euses du secteur et des institutions publiques (d’où le terme « socialiser » plutôt que « nationaliser »). Pour ce faire, plusieurs mesures doivent être prises : 1. Réaliser un audit citoyen des comptes des hôpitaux ; 2. Mettre sous gestion des travailleurs/euses et des usagers/ères la gestion ainsi que les infrastructures des hôpitaux mais aussi des maisons de repos, des structures de soins à domicile, des maternités, des centres médicaux, des centres PMS, des CPAS, des centres de santé mentale, etc ; 3. Remettre la sécurité sociale sociale dans les mains de la population. La sécurité sociale peut et doit être gérée par les représentants·e·s élu·e·s des ayant droit de la sécu. Pour la gestion spécifique des caisses de santé, il s’agirait d’une combinaison de représentant·e·s des travailleurs/euses de la santé, d’usagers/ères et de chercheurs/euses

Enfin, il faut refuser toutes les mesures d’austérité, passées et annoncées. La crise sanitaire a rendu évident ce qu’implique l’austérité dans le secteur des soins de santé ainsi que dans d’autres domaines vitaux. Pour y faire face et pour nous permettre d’envisager un futur qui puisse tout de même être enviable pour tou·te·s malgré les crises encore à venir, il nous paraît crucial de développer des perspectives de « socialisations » des secteurs essentiels tel que la santé, de prise en main commune de notre avenir, de contestation de la concentration du capital et de l’injustice de la dette.


  • Publié : 4 ans ago on 12 juin 2020
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  • Dernière modification : novembre 9, 2020 @ 3:47
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