[Josiane MARQUET]

Le discours d’extrême-droite

L’extrême droite est marquée par une remarquable continuité de son discours depuis les années 1920, comme le rappelle inlassablement Julien Dohet (historien à l’IHOES et au Setca)1. Ses idées sur l’immigration ont infiltré des partis dits ‘traditionnels’, même s’ils ne s’en revendiquent pas ouvertement. Aujourd’hui, les « immigrés »  à attaquer, ce sont plutôt les musulmans et les réfugiés. Les causes du sentiment d’insécurité, qui sont évidemment sociales, sont artificiellement associées à l’immigration : Nous et Eux ! Le nationalisme connaît un renouveau inquiétant, surtout dans les pays d’Europe de l’est. Le rôle et les devoirs dévolus à la femme sont en lien direct avec le Darwinisme Social prôné notamment par les nazis. Quoique se présentant souvent sous des dehors sociaux, l’extrême droite rejette toute idée « de gauche », et particulièrement le marxisme. À rappeler que ceux qui se revendiquent, c’est à la mode, de n’être «  ni gauche, ni droite » ont la fâcheuse tendance à pencher à droite, voire vers la droite extrême : « le centre est le premier pas vers l’extrême droite », pourrait dire Alain Deneault, auteur de Politiques de l’extrême centre.

Le discours d’extrême droite charrie aussi des aspects moins connus :

  • la fiscalité indirecte : Sous des discours soi-disant sociaux, le programme de l’extrême droite a toujours été favorable aux classes aisées ; opposé à la progressivité de l’impôt et favorable à des taxes indirectes qui touchent chacun de la même façon, comme la TVA. Or le même taux pour tous n’a pas les mêmes effets suivant les revenus ;
  • l’« uni-culturalité » : Certains évitent un langage ouvertement raciste et xénophobe, mais prônent le « chacun chez soi » en passant par la culture ;
  • la fin de la sécurité sociale : Pas de solidarité, arrêtons ces dépenses, chacun doit s’assumer. Certains pensent que les chômeurs doivent s’acquitter de travaux d’intérêt général pour « mériter » leurs allocations chômage quand d’autres veulent les supprimer ;
  • le complot : La propension à déceler des conspirations est encouragée par les réseaux sociaux ;
  • le corporatisme : Depuis les années 1920/30, la défense des intérêts de sa corporation tend à faire oublier la lutte des classes. Certains syndicats s’y sont laissés prendre et en ont oublié de défendre d’abord l’intérêt général.
  • Un jeu des 7 erreurs qui présente une vue de Schaerbeek à dix ans d’intervalle à 10 ans d’intervalle. Les femmes sont toujours voilées, le portrait de l’ayatollah Khomeini a été remplacé par un dirigeant de Daech, les visages masculins, plutôt sympathiques, sont maintenant durs et hargneux ; l’insécurité est suggérée par des détails soigneusement sélectionnés : seringues, moutons égorgés, couteau ensanglanté…
  • Encore et toujours l’imagerie du « balai » sous toutes ses formes. Dans les années 20/30 et après, les ordures à éjecter, c’étaient les juifs, en même temps que Trotski ou Staline (Rex, Vlaams Blok). En Californie, on peut même trouver une photo de Schwarzenegger (gouverneur républicain de 2003 à 2010) un balai à la main. Cependant, hélas, même le POB, demandait à voter socialiste avec le balai qui lui, nettoyait le pays de ses banquiers et de ses financiers. On retrouve encore cette thématique du balai dans les années 90 et actuellement, M. Modrikamen essaie d’en relancer l’imaginaire. « Méta Media », (meta, ici, veut dire à coté de, au-delà de), petit nouveau, se veut le pendant d’extrême droite de Wikipédia avec tous ses articles à contresens et à sa vision subliminale pour faire la propagande de leurs idées.
  • Facebook, forum de toutes les idées, fournit une belle caisse de résonance aux idées nauséabondes de la droite extrême.
  • Quant aux livres, il y a longtemps déjà qu’on peut lire Mein Kampf sur internet et qu’on a édité Céline ; maintenant, on réédite les écrits ouvertement antisémites de Gilles de Drieu La Rochelle et de Brasillach.
  • Le Vlaams Blok/ devenu Vlaams  Belang

Le Vlaams Belang est l’héritier du VNV (Ligue nationale flamande, extrême droite //REX). C’est un parti structuré et très professionnel qui a gardé les mêmes couleurs, celles de la Flandre, jaune et noir. Basé sur le nationalisme flamand, il lutte pour une Flandre indépendante alors que les Wallons, dans leurs mouvances de gauche, sont plutôt régionalistes. Du « Eigen volk eerst », du Vlaams Blok, on passe à « Eerst onze mensen ». Le logo reste la tête de lion flamand.

  • La N.V.A (Nieuwe Vlaamse Alliantie + KVHV, association des étudiants ultranationalistes flamands). À la tête de la NVA, Bart de Wever déclare qu’il ne fera pas alliance avec le Vlaams Belang, cependant, il a pris la tête de la ville d’Anvers en 2012 par un coup de force où il s’appuyait sur les forces du VB.
  • En Wallonie : le FN et ses dissidences

Il est bien difficile de suivre tous les mouvements et dissidences, guerres de clans, qu’a subis le FN depuis sa création en 1985 par Daniel Feret.

Quelques partis qui s’accrochent

Depuis1985 : Démocratie nationale de Patrick Cocriamont, patriotes et nationalises, logo, flamme rouge, jaune, noire, image subliminale, ouvrez les yeux, dites non.

Nation, créé en 1999 par Hervé van Laethem, est un parti à tendance identitaire, solidariste et nationaliste. C’est un parti très bien structuré, dont la couleur est le rouge associé au noir. (À Ans, une élue se présente, ni de droite ni de gauche, contre la haute finance !) Ses idées sont relayées par Radio Libertés.

Les petits ou presque disparus

Wallonie d’abord, nouveau nom de Force Nationale, n’a qu’une activité limitée mais présente quand même une liste pour les législatives.

Front Wallon, solidarité des patriotes, qui appelle à voter pour… Marine le Pen !

NWA, Nouvelle Wallonie Alternative, issue en 2012 du FN à qui le FN français avait retiré toute autorisation de se servir de son logo.

AGIR, qui était actif en région liégeoise depuis 1989 et avait disparu, a repris du service dès 2017 partout en Wallonie, et son logo, le trident, se termine à sa tête par la flamme rouge jaune noire. Comme les autres, Agir présente la famille : blanche, papa, maman, enfants de manière caricaturale.

Les « populistes »

Le PP, classifié à l’extrême droite, NOS citoyens d’abord, créé par Rudy Aernoudt et Michael Modrikamen (défenseur des pauvres en son château). On retrouve encore des images subliminales, notamment Tintin au Congo, qui demande « tu es bien sûr qu’on est à Verviers » pour dénoncer l’« envahissement ».

La droite citoyenne, est une coupole électorale créée en 2016 pour rassembler tous les mouvements à droite du MR. Ils ont présenté des listes en 2019 et nous font 10 propositions ! (Faire une véritable révolution fiscale, diminuer les impôts et les dépenses publiques, « réformer » les allocations sociales, arrêter l’immigration,…) Ils attaquent le PTB, « dirigé par des arabes » et ECOLO, qui fait la part belle aux « noirs ».

Les « petits nouveaux »

« Osons la vérité ». C’estAlain Destexhequi s’est désolidarisé du MR, pour créer ses propres listes politiques, tendance à droite de la droite. Il veut incarner la NVA francophone et placer au centre de son programme la question migratoire. Contre la « pensée dominante de gauche », il veut seulement limiter l’émigration et le regroupement pour « réussir » l’intégration. Lui aussi veut « simplifier » la gestion publique, retirer leurs allocations aux syndicats, réduire les impôts, et que les chômeurs méritent leurs allocations par du travail d’utilité publique…

En 2019, J’existe (rouge, noir, blanc) se présente aux communales. Son initiateur est André-Pierre Pujet, venu du PP puis de la Droite Citoyenne. Son « parti » se veut démocratique, libéral et ouvert à tous.

Freedom pour la Wallonie, organisé par une amie de Théo Franken, à la commune de Lubek. Rappelons que parmi les mouvements d’extrême droite, il faut distinguer entre ceux de tendance « païenne » et les ultra-catholiques. Heureusement tous ces petits mouvements de Wallonie en fait ne comptabilisent encore que très peu de monde.

Il faut savoir que Steve Banon, ancien conseiller républicain de Trump, de la droite radicale, ultranationaliste et suprématiste blanc, vient en aide à Salvini avec le projet de construire un mouvement semblable dans toute l’Union européenne. Ces idéologues « contre le capital » sont bel et bien financés par un certain Capital !

Étant donné le contexte actuel où tombent les inhibitions, il n’existe pratiquement plus de « cordon sanitaire » ; le PP est obligeamment interviewé sur RTC, et leurs affiches électorales restent beaucoup plus longtemps collées sans heurter les consciences.

Il nous faut donc :

  1. décoder les discours, en expliquer les nuances et les termes,
  2. empêcher la structuration de tout nouveau mouvement et intervenir lors de leurs rassemblements,
  3. rester des citoyens vigilants et actifs : notamment en n’hésitant pas à affirmer nos valeurs dans tous les cercles que l’on fréquente, y compris la famille,
  4. assumer un « populisme de gauche », simplifier le discours sans simplisme,
  5. veiller à ne pas laisser envahir l’espace public de sigles et nombres diffusant une image subliminale : ex 88 : groupe de rock des années 80 anticommuniste néonazi français dont le code 88 signifie Heil Hitler, le H étant la 8e lettre de l’alphabet. La fausse bonne idée serait d’interdire ces partis, nous verrions un bel activisme contre l’interdiction ce qui leur ferait encore plus de publicité,
  6. surtout agir sur les CAUSES, retrouver de la cohésion sociale face au discours anti immigré = anti pauvre = mon insécurité personnelle, et donc faire en sorte que les responsables, nationaux et européens en finissent avec les politiques d’austérité,
  7. lutter donc pour une autre société, sachant que le fascisme comme le nazisme, comme l’extrême droite sont les bras armés du Capitalisme et réclamer une juste redistribution des richesses.

1 https://juliendohet.blogspot.com/


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