Qu’y a-t-il de plus urgent : réduire drastiquement la production de CO2 ou renverser le capitalisme ?

[Par Philippe Massenaux]

Mettons nous bien d’accord : le cheval de bataille du GIEC (groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat), c’est «l’urgence climatique», c’est-à-dire le réchauffement de la planète (et ses conséquences) provoqué par la production de CO2 « causé par l’activité humaine », tel qu’explicitement mentionné dans ses statuts. L’urgence de respecter l’environnement ou urgence environnementale, c’est tout le reste. Les extractions minières de toutes sortes et notamment de combustibles concernent l’urgence de respecter l’environnement et la combustion de ces combustibles concerne «l’urgence climatique».

Que la terre se réchauffe ou se refroidisse :

▶ Il n’y a pas lieu de raser l’Amazonie pour cultiver du soja destiné à alimenter des vaches qui pourraient manger de l’herbe, ou encore pour faire du charbon de bois utilisé dans des hauts fourneaux.
▶ Il n’y a pas lieu de provoquer des famines en consacrant d’importantes surfaces agricoles à cultiver de l’huile de palme utilisée dans les agrocarburants, sous prétexte que ceux-ci produiraient un peu moins de CO2 que le mazout ou le charbon (50 litres de bioéthanol requièrent 143Kg de blé quand la consommation annuelle de blé par habitant européen est de 105Kg).

▶ Il n’est pas utile de provoquer une ruée sur les terres rares pour fabriquer des voitures électriques qui devront être rechargées par de l’électricité produite avec du fuel, du charbon, à moins qu’on ne préfère utiliser des centrales nucléaires.

▶ Il est par contre utile de repenser la mobilité dans les grands centres urbains et de traiter toutes les questions de pollution en général, alors que la production de CO2 n’est pas à proprement parler une pollution puisque c’est d’abord et avant tout un gaz dont la nature végétale a besoin… De là à nier l’excédent de CO2 que l’on produit par rapport à la capacité d’absorption des végétaux, certainement pas, mais il faut souligner alors le poids parasitaire de l’entretien de toutes les armées du monde et des guerres dans lesquelles elles sont utilisées.

▶ Il est aussi utile de supprimer de toute urgence les plans d’austérité du FMI qui condamnent les plus pauvres au braconnage, à la culture de drogue, à brûler dans des conditions très polluantes du fil électrique pour en récupérer le cuivre, comme cela se fait massivement en Inde, à des abattages de bois clandestins pour faire des meubles de jardins qui pourrissent malgré tout en occident, à prendre des risques téméraires (une mine d’or clandestine en Indonésie vient encore de faire 30 morts ensevelis) pour extraire des minerais dans des conditions très polluantes, bref, il faut d’urgence supprimer les plans et/ou le FMI qui condamne les peuples à une telle pauvreté qu’ils n’ont d’autre choix que de malmener leur environnement, qu’ils auraient certainement souhaité préserver.

▶ Dans le même ordre d’idée, la spéculation sur les permis de polluer et autres certificats verts permet certainement à une poignée de s’enrichir mais n’aide en rien l’humanité en termes de respect de l’environnement et d’économie d’énergie.

Toutes ces hérésies (dont la liste n’est pas exhaustive) ont pour moteur le capitalisme, dont les décideurs politiques se font les fidèles exécutants, comme en attestent les nombreuses institutions et traités internationaux qui consacrent la supériorité des droits des investisseurs sur tout autre type de droits (sociaux, environnementaux…).

L’urgence climatique recoupe évidemment l’urgence environnementale. Il suffit de penser au sacrifice des forêts au Canada et en Allemagne pour l’extraction de lignite, de forêts équatoriales pour l’exploitation de pétrole, à l’exploitation du gaz de schiste, grand responsable des échappées de CH4 dans l’atmosphère qui vaut à certains Américains de pouvoir allumer une flamme au départ de l’eau du robinet de la cuisine.

La liste ne fait que débuter. Ici encore, le moteur de ces aberrations est le capitalisme, maximisateur des profits d’une poignée, qui sévit en toute impunité dans le monde entier, en ce compris dans les quelques pays encore dits « communistes », dont les dirigeants n’ont de cesse de vouloir se conformer aux principes du néo-libéralisme. Ces excès justifient amplement à eux seuls l’intérêt d’économiser autant que faire se peut ces produits miniers que sont les énergies fossiles.

Ceci dit, par rapport à l’urgence environnementale, c’est-à-dire, comme nous l’avons vu, à l’urgence de sortir du capitalisme, le GIEC fait diversion. Si l’urgence première est de réduire la production de gaz à effet de serre, cela peut occulter l’urgence du changement politique que constitue l’abolition du capitalisme. Il y a beaucoup à dire concernant cette organisation politique qu’est le GIEC dont le vice-président français Jouzel avait reçu le prix Nobel de la paix (et pas de sciences !) avec Al Gore – un Nobel pour consacrer la diversion ? Les scientifiques travaillant pour le GIEC doivent avoir l’approbation d’un panel d’ONG dont Greenpeace. Une émission sur Arte interviewe un scientifique qui a dû menacer le GIEC d’une action en justice pour que soit retiré son nom de la liste des collaborateurs ; il avait démissionné et était en désaccord sur l’usage tendancieux qui était fait de sa contribution. Le professeur de chimie de l’UCL aujourd’hui décédé Istvan Marco relate une interview de H.J. Schellnhuber, membre de l’académie pontificale des sciences, proche de Merkel, collaborateur du GIEC et fondateur du PIK de Postdam, l’un des instituts les plus alarmistes. Schellnhuber se revendique le père des «deux degrés par siècle» (à ne pas dépasser), ayant agi, dit-il, sous la pression de Merkel qui lui demandait un «chiffre qui a de la gueule»… un peu comme Mitterand demandait à son conseiller un «taux de déficit qui a du look» pour inscrire dans le traité de Maastricht, ce taux ayant été pour l’occasion fixé à trois pour cent.

Le rapport de l’IAC (Inter Academy Council), mandaté pour auditer les procédures et l’organisation du GIEC, est particulièrement critique sur les processus de rédaction du GIEC (…), suite à cela il émet plusieurs recommandations, dont celle-ci : « indiquer la base sur laquelle repose la probabilité d’un résultat ou d’un événement (par exemple sur la base d’une mesure, d’un avis d’experts, et/ou d’une modélisation) ».1

Ce qui précède n’est sans doute pas suffisant pour balayer d’un revers de main les synthèses du GIEC et si les scientifiques confirmés sont toujours en discussion, il n’y a pas lieu de trancher à leur place la question de savoir dans quelle proportion les productions humaines de CO2 sont responsables du réchauffement en cours, de l’ordre de un degré sur les 150 dernières années, ou de son éventuelle accélération.

Mais rappelons les points controversés : l’importance de l’activité humaine dans la production annuelle de CO2 par rapport à la production naturelle de la planète, l’interaction de ce gaz avec la vapeur d’eau, le rôle des irruptions solaires, l’impact de la couverture nuageuse. La concentration de CO2 actuelle, soit 0,04%, a augmenté d’un tiers depuis l’âge préindustriel. Certains estiment que cela fait du bien aux plantes qui s’en nourrissent et invoquent une amélioration des rendements agricoles ainsi que des photos satellites pour attester d’un reverdissement du Sahel ! Puissent-ils dire vrai.

En conclusion, les sombres prédictions du GIEC sont sans intérêt pratique dans la mesure où épargner au globe une hausse de température de deux degrés en 2100, ne nous dispense pas de la nécessité immédiate d’abattre le capitalisme si nous voulons respecter l’environnement et donc l’existence humaine, car, selon Marx, faute d’être dominé, le capitalisme fera disparaître la nature et l’homme.
Pour des extractions non polluantes, le profit doit baisser ; pour la reforestation, il faut des investissements à long termes, radicalement opposés aux profits capitalistes immédiats. Pour respecter l’environnement le peuple doit disposer de la démocratie et de la souveraineté, constamment battues en brèche sous prétexte des guerres, pensez au harcèlement du Venezuela par le garant du capitalisme mondial (les USA) simplement parce que le Venezuela s’est tourné vers la Russie pour développer l’exploitation du pétrole et de l’or afin d’échapper aux embargos…

Nous allons avoir trop chaud ? Plutôt froid si l’UE continue à provoquer la Russie comme ce fut le cas en Ukraine et que la Russie nous prive de gaz.

Nous allons avoir faim ? Oui, si l’UE, institution du capital, continue à faire crever les agriculteurs en ouvrant les marchés aux USA plutôt que de défendre la souveraineté alimentaire.

L’urgence est politique et non climatique si on veut préserver l’environnement et l’humanité.

  1. 1http://reviewipcc.interacademycouncil.net/report/Executive%20Summary/ExecutiveSummaryFrench.pdf

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